FIGAROVOX/ANALYSE – Le parquet de Nantes a décidé de transcrire à l’état civil les actes de naissance de trois enfants nés par gestation pour autrui à l’étranger. Aude Mirkovic décrypte cet arrêt.
Aude Mirkovic est Maître de conférences en droit privé et auteur de PMA-GPA – Après le mariage pour tous, l’enfant pour tous? (ed. Téqui 2014).
Combien de temps les Français vont-ils supporter de se voir imposer, à petits pas, la gestation pour autrui? La location d’utérus dans le Tiers-monde va-t-elle se pratiquer encore longtemps avant que le gouvernement ne réagisse? Manuel Valls affirmait en octobre dernier que «le gouvernement exclut totalement d’autoriser la transcription automatique des actes étrangers, car cela équivaudrait à accepter et normaliser la GPA» (La Croix, 3 octobre 2014). Pourtant, ce gouvernement persiste depuis dans un mutisme coupable alors que la justice est prise à parti par ceux-là mêmes qui ont enfreint la loi française pour se procurer un enfant au moyen de la GPA à l’étranger, qui ont, délibérément, placé l’enfant dans une situation juridiquement bancale avant de s’indigner de cette situation qu’ils ont eux-mêmes suscitée pour parvenir à leurs fins.
Le tribunal de grande instance de Nantes a ordonné, le 13 mai dernier, la transcription sur les registres français d’état civil des actes de naissances de trois enfants nés à l’étranger d’une GPA. Pour mettre le droit français en conformité avec les exigences de la cour européenne des droits de l’homme, paraît-il. Il n’en est rien.
Tout d’abord, l’honneur du droit français eut été de résister à la jurisprudence irresponsable de la cour européenne qui, sous prétexte de protéger la vie privée des enfants, entérine la nouvelle forme de traite dont ils sont victimes. En effet, que la mère porteuse vende l’enfant ou qu’elle le donne, l’enfant est traité comme un objet de propriété car on ne peut donner ou vendre que ce qui nous appartient. Or, précisément, le code pénal définit l’esclavage comme le fait d’exercer à l’encontre d’une personne l’un des attributs du droit de propriété (art. 224-1 A). Les bonnes intentions ne changent pas le contenu du contrat de GPA qui prévoit la fabrication et la remise de l’enfant, et planifie à cette fin une situation d’abandon objectivement infligée à l’enfant séparé de sa mère de naissance, quand bien même il serait immédiatement accueilli et choyé.
Ensuite, en ordonnant la transcription des actes de naissance, le tribunal est allé bien au-delà de ce qu’exigeait la Cour européenne! En effet, depuis la condamnation de la France en juillet 2014, le Conseil d’État a validé la circulaire ordonnant de délivrer des certificats de nationalité française aux enfants, et une note du ministère de la justice a levé l’incertitude sur leur situation d’héritiers à l’égard des parents d’intention, y compris en l’absence de transcription. Le droit français a ainsi déjà remédié aux reproches de la Cour européenne qui dénonçait l’incertitude pesant sur la nationalité des enfants et sur leur vocation successorale.
Les enfants nés d’une GPA sont protégés par le droit: l’absence de transcription ne les prive ni de leur filiation établie dans leur pays de naissance, ce qu’on a toujours su, ni de la nationalité française ni de leur héritage, ce qu’on sait désormais. La contrainte administrative résultant de l’absence de transcription est réelle mais elle ne concerne que les adultes, responsables de la situation, car on n’a encore jamais vu un enfant produire lui-même son acte de naissance pour demander son passeport. Transcrire comme si de rien n’était, comme vient de le faire le tribunal de Nantes, ne rend donc pas service aux enfants mais aux adultes, et relève au contraire à l’égard des enfants du déni de justice car la transcription occulte, dénie la violation de leurs droits résultant de la GPA.
La Cour de cassation doit se prononcer le 19 juin prochain, date à laquelle deux arrêts sont attendus. Elle pourrait condamner la voie empruntée par le tribunal de Nantes puisque le droit français a été rendu conforme aux exigences de la Cour européenne et que l’absence de transcription est le minimum qui permette de rendre justice aux enfants victimes de la GPA.
La Cour de cassation a l’opportunité de protéger les enfants en faisant respecter le droit, comme elle l’a toujours fait en matière de GPA. De toute façon, un jour ou l’autre, la justice reprendra ses droits: sera-ce le 19 juin, ou bien faudra-t-il attendre un Nuremberg de la GPA pour voir, enfin, les enfants protégés et leurs droits respectés?