Et le droit dans tout ça ?
Une chronique présentée chaque semaine par Juristes pour l’enfance sur Radio Espérance Présentée par Aude Mirkovic et Olivia Sarton, le lundi à 8h, 12h45 et 19h20 (durée 3 minutes)
Chronique du 15 avril 2024 : Non, la Cour européenne des droits de l’homme n’empêchera pas les Etats de lutter contre la GPA
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Chers amis auditeurs bonjour
Bienvenue dans la chronique de Juristes pour l’enfance, et le droit dans tout ça, présentée aujourd’hui par Aude Mirkovic.
Lundi dernier, mes collègues vous parlaient de la Conférence internationale pour l’abolition universelle de la GPA (gestation pour autrui) qui s’est tenue à Rome les 5 et 6 avril dernier.
Cet évènement s’inscrit dans la dynamique lancée en 2023 par la Déclaration de Casablanca, demandant aux États de s’engager, sur leur territoire comme à l’international, pour libérer la planète de la gestation pour autrui.
Justement, une objection souvent avancée contre cette ambition est la suivante, au moins en ce qui concerne les États européens : toute tentative d’un État de combattre la GPA se heurterait, dit-on, à la jurisprudence de la cour européenne des droits de l’homme et l’État devrait renoncer à s’engager dans ce domaine.
J’ai eu le privilège d’intervenir à Rome sur ce point précis et je voudrais partager avec vous quelques éléments de réponse à cette objection.
Les faits soumis à la Cour européenne des droits de l’homme sont en général les suivants : les ressortissants d’un État interdisant la GPA se rendent à l’étranger, dans un pays où la GPA est légale, pour y obtenir un enfant d’une mère porteuse. L’acte de naissance de l’enfant, établi dans son pays de naissance, indique les commanditaires de la GPA comme parents.
La CEDH tend en effet à obliger les États à reconnaitre cette filiation établie à l’étranger, autrement dit à fermer les yeux sur la GPA et sur la violation des droits de l’enfant qu’elle signifie, à commencer par l’atteinte à sa filiation.
Mais, tout d’abord, dans un cas soumis à la Cour européenne, l’Italie a décidé de retirer aux commanditaires la garde d’un enfant obtenu par GPA en Russie, pour le confier à l’adoption. La Cour européenne a dans un 1er temps condamné l’Italie, mais le gouvernement italien fait appel et, 2 ans plus tard, en 2017, la Cour européenne réunie en Grande chambre a validé la décision de l’Italie[1]. Cette décision montre que les États peuvent tenir tête à la Cour européenne lorsqu’elle veut les obliger à se rendre complices de la GPA subie par l’enfant.
Surtout, s’il est bien sûr nécessaire de chercher les solutions les moins mauvaises pour les enfants nés de la GPA, ct objectif est tout à fait compatible avec la lutte contre cette pratique.
Il n’existe pas de « solution » totalement satisfaisante une fois l’enfant né d’une GPA : la responsabilité des États est donc d’agir en amont pour :
- empêcher les intermédiaires, les agences étrangères, de proposer leurs services en vue de la GPA sur leur territoire
- dissuader leurs ressortissants de se tourner vers la GPA, par exemple par des sanctions.
L’Italie, par exemple, est en train d’adopter une loi faisant de la GPA un crime universel, c’est-à-dire une infraction sanctionnée y compris lorsque les Italiens la pratiquent à l’étranger. La France pourrait faire la même chose : à nous, c’est-à-dire à vous, à moi, de faire progresser l’idée que la lutte contre la GPA est non seulement nécessaire mais possible.
A la semaine prochaine !
[1] CEDH 24 janvier 201, PARADISO ET CAMPANELLI c. Italie, n° 25358/12 ; CEDH, sect. 2ème, 27 janv. 2015, aff. 25358/12, Paradiso et Campanelli c/ Italie.
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