Et le droit dans tout ça ? Une chronique présentée chaque semaine par Juristes pour l’enfance sur Radio Espérance
Présentée par Aude Mirkovic et Olivia Sarton, le vendredi à 7h50, 12h40 et 19h05 ainsi que le samedi à 8h20 (durée 3 minutes)
Emission du 18 novembre 2022 à écouter ici : De l’urgence de donner du temps aux enfants et aux jeunes
Nos peurs d’adultes pour les enfants
- « Que faire pour protéger les enfants et les jeunes de la pornographie ? »
- « Je ne sais pas comment l’empêcher de passer trop de temps sur internet »
- « J’ai peur que mon enfant poste ou reçoive du contenu dangereux sur les réseaux sociaux »
- « La jeune génération est de plus en plus individualiste », etc, etc…
Nous entendons souvent ces questions et ces réflexions autour de nous, et parfois nous les émettons d’ailleurs nous-mêmes.
Et c’est vrai que ce sont des aspects négatifs de notre société qui existent et qui nous font voir l’avenir sous des couleurs sombres. Mais cet avenir sombre n’est pas inéluctable et nous pouvons être créatifs et innovants, imaginer et mettre en œuvre les antidotes à ces maux contemporains. C’est à nous de bâtir le monde de demain.
Pour ma part, je réfléchis beaucoup en ce moment au temps que les parents passent avec leurs enfants le week-end, pendant les vacances et le soir…
L’éducation quotidienne des enfants lors des « veillées » dans les siècles passés
En schématisant assez grossièrement, je me suis fait la réflexion que dans les siècles passés et jusqu’au début du siècle précédent, les soirées étaient souvent un temps commun : autour du feu de cheminée et selon les milieux, les époques, les usages, on se retrouvait pour se livrer aux arts, aux travaux manuels ou encore on écoutait l’un ou l’autre, et surtout les anciens, narrer une histoire ou un conte. La société assemblée pour cette soirée ne se limitait pas à la famille au sens où on l’entend maintenant, les parents et leurs enfants. On trouvait réunis la famille élargie, les grands-parents bien sûr, les oncles et tantes, mais aussi des amis, des voisins.
Et ces veillées étaient le creuset d’une culture commune et d’une transmission éducative aux plus jeunes.
Ensuite est arrivée la radio, et l’on se retrouvait encore en famille autour du poste de TSF pour écouter les nouvelles ou les pièces littéraires diffusées. Et c’était encore un lieu de discussion et d’échanges possibles entre générations.
Puis est arrivée la télévision et avec sa démocratisation, ces soirées en société ont disparu puisqu’il était devenu courant qu’un même foyer soit équipé de plusieurs récepteurs pour permettre à chacun de regarder son émission préférée.
Laisser son enfant passer son temps libre sur internet, c’est le confier les yeux fermés à des inconnus
Puis sont arrivés internet et la multiplication des écrans, offerts souvent dès le plus jeune âge. Mais ce n’est pas une étape de plus dans le processus que j’ai brossé. C’est un changement de paradigme radical à prendre en compte. Il est fini le temps où les parents pouvaient se contenter de s’assurer que leur enfant allait passer la soirée à lire un bon livre ou à regarder un film sélectionné ensemble. Car avec les écrans et internet, les enfants et les jeunes ont accès à des contenus dont les adultes n’ont aucune idée.
Ils tissent des relations étroites avec des inconnus dont leurs parents n’entendront jamais parler. Et tout le temps que les parents ne passent pas avec leurs enfants, ce sont ces inconnus qui vont le passer avec eux. Tous les sujets que les parents n’abordent pas avec les enfants, ce sont ces inconnus qui les abordent avec eux. Toutes les marques d’affection que les parents ne donnent pas à leurs enfants, ce sont ces inconnus qui vont prétendre les leur donner.
Quel parent confierait son enfant les yeux fermés à un inconnu, et encore plus s’il se doute que cet inconnu ne partage aucune des valeurs qui lui sont chères ? Et pourtant, c’est ce qui arrive lorsque les enfants sont laissés le soir, le week-end, les vacances, à leurs écrans. Leurs parents peuvent être présents à la maison, mais chacun est avec son smartphone ou sa tablette, occupés à vivre un mirage ailleurs.
L’antidote ? Passer du temps avec les plus jeunes
Je défends l’idée qu’il est urgent de repenser notre manière de vivre en famille et en société, qu’il est urgent de remettre au cœur de nos vies le temps passé avec les plus jeunes.
Nous voulons que les jeunes se tiennent le plus possible éloignés des réseaux sociaux et des écrans porteurs de tentation ? C’est aux adultes de leur en donner les moyens en leur proposant de lire avec eux, d’écouter ou regarder avec eux des pièces de théâtre, des films d’anthologie, de jouer de la musique, de dessiner, peindre, coudre ensemble, d’aller faire du sport…
Nous voulons que les jeunes ne se laissent pas prendre au piège des fake news ? C’est aux adultes de leur offrir du temps pour décrypter avec eux telle vidéo et pour en débattre.
Nous voulons que les jeunes aient le sens du bien commun ? C’est aux adultes de leur proposer d’aller ensemble servir des repas aux plus pauvres, effectuer une maraude à la rencontre des personnes de la rue, préparer avec eux un spectacle pour des personnes âgées, des enfants malades.
Mais soyons lucides, ce sont des missions bien exigeantes pour les parents qui courent déjà souvent pour beaucoup après le temps et qui ont aussi besoin d’avoir des moments pour eux-mêmes et pour leur couple. C’est donc un effort qui doit être porté par tous : famille élargie, parrain, marraine…, Pensons-y. Le monde que nous voulons pour les enfants, c’est à nous de le construire en mettant loin de nous nos écrans et en vivant avec nos prochains et nos enfants mettront loin d’eux leurs écrans et découvriront le sens du bien commun !
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