Le cauchemar des mères porteuses ukrainiennes
Une poignée de mères porteuses ukrainiennes ont accouché en France ces dernières semaines, alors que la GPA est toujours interdite dans notre pays.
Depuis le début de la guerre en Ukraine il y a un peu moins de trois mois, la France a accueilli plus de 70 000 réfugiés. Parmi eux, des femmes enceintes bien sûr, dont certaines portent des enfants…qui ne sont pas les leurs. L’un des rares pays à ouvrir la gestation pour autrui (GPA) aux étrangers, l’Ukraine est en effet devenue ces dix dernières années « l’usine à bébés » de l’Europe. Chaque année, ce sont entre 2 000 et 4 000 Ukrainiennes qui donnent naissance à des enfants qu’elles laissent à leurs « parents d’intention ».
La GPA tolérée à l’étranger, mais illégale en France
D’ordinaire, les parents se rendent en Ukraine pour récupérer « leurs » enfants, conformément à la loi ukrainienne. Mais depuis le début de la guerre, il est évidemment extrêmement compliqué de se rendre dans le pays. Si certains parents d’intentions français continuent de se rendre en Ukraine, la plupart des mères porteuses ukrainiennes se sont réfugiées dans des pays limitrophes, où elles pourront donner naissance aux enfants qu’elles portent. Dans de très rares cas, les parents d’intention font venir la mère porteuse en France. Selon Maître Caroline Mécary, avocate d’un couple de Lyonnais qui a accueilli la gestatrice de leur enfant, « moins d’une dizaine » de mères porteuses sont arrivées en France depuis le début du conflit.
En pratique, les mères porteuses ukrainiennes arrivées en France accouchent sous X. Le père du couple d’intention, généralement père biologique de l’enfant, le reconnait, tandis que son épouse (ou son époux) l’adoptera ultérieurement. Une technique juridique qui était usitée en France dans les années 1980, lorsque la GPA se pratiquait encore dans un certain flou juridique, avant d’être clairement interdite en 1994. En effet, si la loi française reconnait désormais la filiation des parents ayant réalisé une GPA à l’étranger, la pratique de la GPA reste interdite en France et est passible de six mois d’emprisonnement.
Des femmes doublement victimes
Les parents qui font venir des mères porteuses ukrainiennes dans l’hexagone s’exposent donc à des poursuites pénales. L’association anti-GPA « Juristes pour l’enfance » a d’ailleurs porté plainte contre le couple de Lyonnais précité. Elle demande au procureur de refuser de reconnaitre la filiation du père biologique de l’enfant et de le confier à l’aide sociale à l’enfance (ASE). En attendant une éventuelle intervention des autorités judiciaires, l’ASE tente de convaincre les mères ukrainiennes de ne pas abandonner leur enfant, généralement en vain.
Illégales en France, ces mères porteuses contreviennent également à la loi ukrainienne, qui leur interdit de quitter le territoire. « La clinique menace la mère porteuse de la poursuivre en justice pour rupture de contrat et ne lui verse plus d’argent depuis un mois » explique un « père » qui a accueilli une gestatrice ukrainienne à Bordeaux. Certaines femmes sont donc restées en Ukraine et ont abandonné les nouveau-nés auxquels elles ont donné naissance, qui sont désormais entassés dans des maternités de fortune, en attente de leurs parents d’intention. D’autres tentent tant bien que mal de se rendre en Géorgie, un des rares pays de la région à tolérer la GPA. Ballotées par la guerre, ces femmes se retrouvent donc à la fois victimes de la guerre et de la marchandisation sans limites du corps humain.
Par Nicolas Barbet
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