par Olivia Sarton. Article original paru chez Gènéthique le 25/03/2022 ICI
Au mois de janvier 2022, le Ministre de la Santé a été rendu destinataire d’un rapport qu’il avait commandé 6 mois plus tôt « Relatif à la santé et aux parcours de soins des personnes trans ».
Avant de se pencher sur le contenu de ce rapport, il est important de comprendre dans quelles circonstances et à qui il a été commandé.
Même si le nombre de personnes se déclarant trans et suivant un parcours de transition médico-chirurgical a connu une très forte augmentation ces dernières années, ce nombre est insignifiant au regard de la population générale : 8 952 personnes selon le rapport , à rapprocher des 67,81 millions de personnes vivant en France , soit 0,013% de la population.
Pourtant le sujet de la transidentité est omniprésent dans les médias : chaque jour des articles de presse sont diffusés, présentant les personnes trans comme des victimes et à ce titre légitimes pour réclamer des droits dont elles seraient privées. Cette surface médiatique si importante s’explique facilement par les moyens gigantesques dont dispose le lobby trans-affirmatif qui est soutenu notamment par la fondation Thomson Reuters, la société mondiale de services d’information, et par l’un des plus gros cabinets internationaux d’avocats, Dentons .
Outre leur présence dans les médias, les militants trans-affirmatifs bénéficient également d’une audience très importante auprès des pouvoirs publics : des ministères en premier lieu (santé, éducation etc.), mais aussi des collectivités locales qui financent abondamment leurs projets ou encore des autorités administratives comme le Défenseur des droits ou le Contrôleur général des lieux de privation de liberté.
Cet entrisme leur a permis de se voir confier, par le Ministère de la santé, une mission dont le but était de « dresser un état des lieux de la santé des personnes trans, de repérer des bonnes pratiques et faire des recommandations avec pour perspective d’éclairer les travaux à venir de la Haute autorité de santé (HAS) » puisque celle-ci doit en 2022 édicter « des recommandations de bonnes pratiques concernant l’organisation des parcours de transition médicale » .
Les deux personnes choisies pour réaliser cette mission étaient un médecin généraliste spécialisé dans la prise en charge des personnes transgenres, et une personne choisie sur sa qualification « d’acteur de terrain » au titre de son appartenance à l’association « ACCEPTESS-T ». Selon les précisions données par le rapport lui-même, cette association « accompagne en majorité des femmes trans originaires d’Amérique latine, concernées par le VIH et le travail du sexe » .
Le choix de ces personnes est contestable car il oriente nécessairement le rapport. Et il fournit des préconisations pour tous, et en particulier pour les mineurs, sur la base donc notamment d’une expertise terrain acquise auprès d’une population présentant des caractéristiques particulières, à savoir en grande vulnérabilité sociale et médicale, parfois sans papier, en situation de prostitution et ayant majoritairement contracté le VIH.
Par ailleurs, et il s’agit là d’une critique majeure de méthode qui disqualifie sans appel les conclusions du rapport, les auteurs exposent ne pas avoir procédé à des comparaisons internationales . Or, il s’agissait pourtant d’une étape indispensable et essentielle, afin de prendre en compte les études les plus récentes et les mieux documentées parues notamment au Royaume-Uni, en Suède, au Canada et aux Etats-Unis. Les auteurs auraient dû également prendre en considération les pratiques et recommandations mises en œuvre dernièrement dans les pays ayant vu, 15 ou 20 ans avant la France, la transidentité se développer dans la population des enfants et des jeunes. Comment, dans le cadre d’une telle mission, justifier de ne pas avoir tenu compte de l’expérience de la Suède, pays « pionnier » de la mise en œuvre des traitements de transition médicale pour les mineurs et qui vient tout récemment de les interdire sauf protocole exceptionnel de recherche ?
La revendication d’une « dépathologisation de la transidentité »
Si l’on en vient au fond maintenant, les conclusions du rapport sont sans surprise car elles correspondent en tous points aux revendications exprimées dans les médias par les militants. Elles véhiculent la croyance de la possibilité de choisir son sexe.
Le rapport réclame en premier lieu la « dépathologisation de la transidentité » et l’autodétermination des personnes seules à même de définir leur identité de genre. Cette revendication avait été reprise telle quelle par les députés lors du vote de la loi du 31 janvier 2022 interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne qui ont répété à l’envie que « la transidentité n’était pas une maladie » et que « que chacun devait être libre de choisir son identité de genre, sans se laisser imposer « un modèle hétéronormé binaire » » . Cette revendication n’est pas propre à la France. La dernière version de la classification Internationale des maladies éditée par l’OMS (CIM 11) vient de transférer « l’incongruence de genre » du chapitre des affections psychiatriques vers celui de la santé sexuelle.
« Le meilleur des mondes » n’est pas loin : nous sommes en train d’assister à l’avènement de l’être humain nouveau qui déterminerait seul son genre (le sexe n’existe plus) et qui bénéficierait d’un droit à réquisitionner la médecine et la solidarité nationale afin de transformer et mutiler son corps pour le faire correspondre à ses fantasmes : « Nous passons à un modèle dans lequel la personne détermine librement et elle-même son genre ainsi que le recours à tel ou tel traitement (…)» . « Il s’agit là aussi de mettre en œuvre des moyens du champ médical non pas pour soigner une pathologie mais pour concrétiser le droit à disposer de soi-même » .
Dans ce nouveau monde, tout médecin, et en premier lieu le médecin généraliste, sera sommé d’établir un protocole de soins de transition médicale à la demande de son patient, c’est-à-dire de lui prescrire les produits hormonaux réclamés et lui fournir des ordonnances nécessaires à la chirurgie. Pourra-t-il s’y refuser ? Avec la loi du 31 janvier 2022, rien n’est moins sûr.
Cette dépathologisation et cet accès automatique à la transition médicale et/ou chirurgicale, s’ils sont transcrits dans les futures recommandations de la HAS sonneront la fin des attitudes de prudence pourtant indispensables s’agissant de traitements lourds, aux effets secondaires importants et aux conséquences irréversibles. Ils priveront par ailleurs de tout effet des dispositions essentielles de notre Code civil et du Code de la santé publique comme celles qui interdisent les interventions mutilantes sauf motif médical sérieux ou celles relatives à la stricte limitation de l’utilisation de médicaments hors AMM (autorisation de mise sur le marché) .
Le “modèle trans-affirmatif” promu y compris pour les mineurs
De tels postulats font courir les plus grands risques aux mineurs et aux tout jeunes majeurs.
En 2020, 187 mineurs auraient été admis en ALD transidentité. Et 2 479 majeurs de 18-35 ans, sans que le rapport ne précise la tranche d’âge des personnes majeures. Pourtant, il aurait été capital de distinguer la tranche d’âge 18-24 ans de la tranche d’âge 25-35 ans puisque l’on sait que la maturité cérébrale n’est acquise qu’autour de 24 ans.
Le rapport reconnaît du bout des lèvres que « l’accès des mineurs à un parcours de transition constitue l’une des questions les plus sensibles et les plus polémiques, au-delà d’ailleurs des seules frontières nationales » . Mais à peine cette concession accordée, il s’empresse de défendre le modèle trans-affirmatif, en reprenant la thèse de la WPATH selon laquelle la transition médicale précoce apporterait une amélioration générale dans la vie des adolescents trans et que la transition sociale serait fondamentale pour « réduire la souffrance et aider l’adolescent à évoluer dans son identité de genre de façon harmonieuse » . Pour cela, le rapport fait notamment l’apologie du « soutien communautaire entre pairs. »
Le rapport passe donc totalement sous silence les études ou recherches internationales qui montrent que l’affirmation sociale n’est pas neutre mais qu’elle est au contraire responsable de l’installation dans le temps de la dysphorie de genre et qu’elle entraîne l’immense majorité des enfants vers la transition médicale . Alors qu’à l’inverse 77% à 94% des enfants soutenus psychologiquement mais bénéficiant d’un accompagnement prudent (c’est-à-dire neutre, non-affirmatif) voient leurs troubles disparaitre avant l’âge adulte . Quant au soutien communautaire entre pairs, on sait le grand danger que représente l’évolution dans un milieu clos, renfermé sur lui-même et sur ses certitudes.
Les risques médicaux ignorés
Le rapport reconnait que des mastectomies sont réalisées sur des adolescentes mineures qui représentent la majorité des adolescents trans , mais les termes utilisés sont emblématiques de l’idéologie militante. Ainsi le rapport emploie le syntagme « chirurgie de virilisation du torse » pour obscurcir la réalité de mutilation que constitue la mastectomie de la poitrine saine d’une jeune fille.
Pour écarter les nombreuses objections qui se sont élevées récemment pour dénoncer les effets secondaires graves des traitements et leurs conséquences irréversibles , le rapport leur oppose des risques de non-accès aux traitements comme la rupture scolaire et l’automédication sauvage, dont on sait pourtant qu’elles peuvent être évitées grâce à une bonne prise en charge psychothérapeutique . Il demande à ce que l’AMM (autorisation de mise sur le marché) des hormones utilisées soit étendue sans qu’il ne soit procédé à de nouvelles études, alors que cette AMM n’a été accordée que pour une population bien précise en réponse à une pathologie déterminée et que l’utilisation des hormones hors AMM entraîne des effets secondaires indésirables documentés. Pour répondre à l’objection de stérilité engendrée par les traitements, il recommande de développer la préservation de gamètes, notamment auprès des mineurs…
Et peu importe que la majorité des jeunes se déclarant trans souffrent de psychopathologies antérieures (troubles anxio-dépressifs, pathologies post-traumatiques, troubles du spectre autistique etc.) : « l’existence de problèmes de santé mentale ne constitue pas en soi, – sauf situations exceptionnelles obérant la capacité de consentement-, un motif de refus de l’accès aux traitements mais une dimension de la santé de la personne à prendre en charge. »
Enfin, l’alarme tirée devant le nombre croissant de personnes qui détransitionnent est balayée d’un revers de main avec l’argument de la rareté de la situation. Il s’agit là d’une thèse fallacieuse ressassée par les militants trans-affirmatifs et largement contredit par la réalité : le forum Reddit « Detrans » compte 23 000 jeunes abonnés dont un nombre certain relate une immense détresse liée à l’état de leur corps irrémédiablement abîmé par une transition médicale aux conséquences irréversibles, et à laquelle ils n’avaient en réalité pas la capacité de consentir .
Quid de la neutralité du service public ?
On ne peut qu’être inquiet devant la commande et la remise d’un tel rapport au Ministre de la Santé.
Un des objectifs des militants trans-affirmatifs est d’être reconnus comme experts de la santé des personnes souffrant de dysphorie de genre, alors même qu’ils n’ont a priori pas de compétence médicale. Ils considèrent que leur expérience de « pairs » est au moins, voir plus importante et signifiante que les connaissances et l’expérience scientifique : « c’est la personne concernée qui est la mieux placée pour savoir où elle se situe sur l’échelle du genre – féminin, non binaire, masculin ou gender-fluid. Le savoir médical n’a plus à être convoqué dans ce processus d’autodétermination» . C’est grâce à de telles affirmations que plusieurs associations militantes trans-affirmatives font maintenant partie des réunions de concertation pluridisciplinaires concernant les mineurs trans de certains hôpitaux où elles incitent à la transition médicale des mineurs dont les dossiers sont examinés. La neutralité du service public pourtant réaffirmée récemment comme principe cardinal par la loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République semble être à géométrie variable. Et les associations demandent toujours plus de financement public pour toujours plus d’influence et de visibilité .
Tous les signaux sont alarmants et caractérise une idéologie inquiétante :- une croyance parvenue jusqu’au premier cercle du pouvoir d’une « autodétermination » de soi, peu important la mutilation des corps et la transformation d’une personne au corps sain en patient à vie ;
– des arguments s’appuyant sur une forme de terreur idéologique : la détresse psychologique des personnes trans et le risque de suicide qui seraient l’un et l’autre entièrement dû, selon le rapport, aux conséquences de la transphobie et au manque de soutien social ;
– des pseudo-sachants, en réalité des militants, se proclamant experts , consultés dans les RCP, et réclamant des postes de « pairs médiateurs en santé trans » ;
– un communautarisme revendiqué ;
– un mépris et une ignorance des études scientifiques et médicales internationales les plus récentes.
Les premières victimes de cette idéologie sont les enfants et les jeunes. Nombre d’entre eux se déclarent trans aujourd’hui, alors que parallèlement on constate que la détresse psychologique des adolescents notamment n’a jamais été aussi importante, et qu’enfants et jeunes passent la quasi-totalité de leur temps disponible sur internet ce qui nuit gravement à leur santé physique et mentale , et les met sous l’influence souvent nocive des réseaux sociaux . Et quand les auteurs du rapport demandent à ce que soit écartée « l’expérience en vie réelle » et qu’ils préconisent que les modifications corporelles soient obtenues avant la transition sociale , cela signifie pour les mineurs un billet voyage aller sans possibilité de retour…
Combien faudra-t-il de vies brisées, attestées par les procès qui vont advenir, avant que cette idéologie ne s’effondre ?
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