Olivia Sarton a cosigné une tribune dans le journal La Croix pour signaler le danger d’avoir inclus l’identité de genre dans la proposition de loi sur les thérapies de conversion, adoptée par l’Assemblée nationale le 5 octobre dernier.
Cette tribune a été cosignée avec les membres de l’Observatoire de la Petite Sirène, Observatoire des discours idéologiques sur l’enfant et l’adolescent.
Vous pouvez la retrouver sur le site de La Croix ou ci-dessous.
« Inclure l’identité de genre dans la loi sur les thérapies de conversion est dangereux
La proposition de loi dite « thérapies de conversion », a pour objectif affiché de protéger les personnes homosexuelles (ou bisexuelles/pansexuelles/asexuelles etc.) de pratiques visant à modifier leur orientation sexuelle. Elle a étendu son champ de protection à l’identité de genre, entendue par les députés porteurs de la proposition de loi, comme une expérience personnelle et intime, distincte du sexe biologique, propre à chaque personne et autodéterminée par elle seule. En conséquence, la proposition de loi incrimine « les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale ».
Si nous condamnons sans ambiguïté les « thérapies de conversion » dont l’existence est clairement démontrée concernant les homosexuels, nous sommes en revanche très réservés sur l’inclusion dans le champ de la proposition de loi, de la notion « d’identité de genre ». En effet, il nous semble que le but poursuivi par la proposition de loi, en ce qui concerne l’identité de genre, est d’évincer toutes les positions qui ne seraient pas purement et immédiatement « trans-affirmatives ».
Les accompagnements proposés par les médecins et thérapeutes sont particulièrement visés. Ainsi la députée Laetitia Avia a-t-elle qualifié de « transphobes » les positions médicales qui entraveraient « la liberté fondamentale des personnes trans à disposer de leur corps » et « à accéder aux soins demandés ». Or, dans ce champ, une telle disposition est discutable en soi, notamment quand des personnes trans présentent une psychopathologie associée. Les comorbidités psychiatriques sont fréquentes. La mise en route de la médicalisation de la transition dans ces situations comporte des risques de décompensation qui peuvent nécessiter de la différer. Le rôle d’un médecin n’est-il pas d’en protéger ces personnes vulnérables ?
Les problèmes sont encore plus importants lorsque l’on songe à la population des enfants et des adolescents de plus en plus représentés aujourd’hui dans les demandes de transition médicale. Dans 50 % des cas, il existe des problématiques adolescentes associées : états dépressifs, états anxieux, haut potentiel et une surreprésentation des TSA (trouble du spectre autistique). Dans ces situations, il importe de ne pas surestimer la dysphorie de genre en sous-traitant les pathologies associées, ce qui est pourtant régulièrement observé. Pourtant, la prudence devrait être de mise et soutenue par le législateur. Ce d’autant que, s’agissant des enfants, des études incontestées montrent que pour 61 % à 90 % d’entre eux, l’inadéquation entre leur expérience psychologique d’eux-mêmes en tant que fille ou garçon et leur sexe constaté à la naissance, cessera avec la puberté.
Dans les représentations trans-affirmatives, affirmées par les militants qui ont initié cette proposition de loi, la prise en charge d’un enfant doit « légitimer d’emblée son identité dite authentique » dès qu’il l’a déclarée, et une transition sociale, scolaire et familiale doit être rapidement mise en place. La proposition de loi si elle est définitivement adoptée aurait pour conséquence de disqualifier par exemple une prise en charge psychologique familiale accompagnant la prise en charge de l’enfant, qui serait dénoncée comme transphobe, exerçant une thérapie de conversion à l’encontre de l’enfant.
Il ne s’agit pas là d’un risque hypothétique brandi à titre d’épouvantail. C’est ce qui est arrivé au professeur américano-canadien Kenneth Zucker dont le centre, mondialement connu sur le trouble de l’identité de genre, a été fermé lorsque des militants trans-affirmatifs ont assimilé son approche des questionnements de genre à des thérapies de conversion. Sa prise en charge familiale conjointement à celle de l’enfant a permis que, dans 88 % des cas, les enfants se réconcilient avec leur sexe de naissance. Un procès médiatique lui a donné gain de cause avec un énorme dédommagement financier, témoignant du préjudice subi et de l’inanité de la dénonciation. Pourtant, le projet de loi reprend à son compte les mêmes erreurs d’appréciation des traitements.
Car les prises en charge psychothérapiques, visées par les militants trans-affirmatifs, ne sont en rien des thérapies de conversion. Elles ouvrent au contraire la possibilité de réfléchir et d’explorer le genre, de prendre en compte la famille qui souvent n’est pas sans jouer un rôle dans le questionnement de l’enfant, et tentent ainsi de lever les contraintes psychiques qui ont conduit un enfant à s’exprimer sur ce mode. Elles n’ont pas pour fonction de décider du genre de l’enfant, qui en fonction de son évolution, pourra au mieux s’affirmer, dans un espace plus grand de liberté, et d’investir l’identité de genre qu’il ressent comme sienne, quelle qu’elle soit. »
Tribune initiée par les membres de l’observatoire La Petite Sirène. Signataires : Olivia Sarton, juriste, Nicole Athéa, endocrinologue-gynécologue, Céline Masson, professeur des universités en psychologie clinique, Sylvie Quesemand Zucca, psychiatre, Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, psychanalyste, Nicole Farges, psychanalyste, Sonia Timsit, psychiatre, Pascale Belot-Fourcade, psychiatre, Olivier Halimi, psychologue psychanalyste, Marika Berges, psychanalyste, Jean-Pierre Lebrun, psychiatre psychanalyste, Anna Cognet, psychologue clinicienne, Claire Squires, psychiatre, Anne-Laure Boch, neurochirurgien.