Tribune oroginale sur le Figarovox du 18 juin 2020
L’économie est en dépression majeure, le système de santé est exsangue, les zones de non droit se multiplient dans notre pays.. aussi, lorsqu’un décret du 15 juin convoque le Parlement en session extraordinaire en juillet, nul ne doute un instant que les députés déconfinés vont s’atteler à la crise grave que traverse notre pays pour apporter des réponses concrètes aux nombreuses inquiétudes des Français.
Et bien non : à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale annoncé par ce décret figure, dès la reprise des travaux parlementaires… le projet de loi bioéthique !
Un sondage IFOP du même jour est pourtant clair sur les attentes de nos concitoyens en ces temps difficiles[1]. Interrogés sur les sujets prioritaires auxquels le Président de la République, le gouvernement et le Parlement doivent selon eux se consacrer dans les 12 prochains mois, les Français répondent, dans l’ordre : la sauvegarde de l’emploi, le pouvoir d’achat et l’efficacité de notre système de santé. Viennent ensuite la sécurité, la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, l’éducation, l’avenir du système des retraites et d’autres sujets pour finir, au bout du bout, par la PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes qui apparaît comme une priorité pour … 1% des Français, au même titre que la mobilité durable. C’est dire. Et ce pourcentage tombe même à zéro chez les électeurs LREM !
Seul 1% des Français considère l’extension de la PMA comme un sujet prioritaire et voilà que le projet de loi de bioéthique, dont la PMA constitue la mesure phare, se trouve en tête d’affiche de l’agenda parlementaire, discuté dès le 29 juin en commission pour être débattu dans l’hémicycle début juillet…
Le Haut conseil du financement de la protection sociale annonce pourtant en 2020 une « rupture sans précédent pour la sécurité sociale »[2]. Déjà, l’an dernier, la Cour des comptes évaluait le poids de l’assistance médicale à la procréation sur les comptes de l’assurance maladie à près de 300 millions d’euros pour 2016[3], chiffre qui n’a fait que croître depuis : la précipitation avec laquelle les promoteurs de l’extension du grand marché de la PMA s’empressent de hâter l’avènement de leurs profits n’est-elle pas indécente, comme si l’assurance maladie avait les moyens de prendre en charge, à 100% qui plus est, des PMA pour des personnes fertiles quand certains malades du COVID n’ont pas été soignés faute de respirateurs ou de place dans les hôpitaux ?
La PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes concerne en effet des femmes fertiles, qui pourraient procréer naturellement mais veulent réaliser un projet d’enfant sans homme, c’est-à-dire sans père pour leur enfant. Manque-t-il à nos députés une longue vue, ou même une vue moyenne, pour apercevoir ce monde dont ils hâtent l’avènement, peuplé d’enfants sans père (PMA présente dans le projet de loi), incapables de désigner leur mère (GPA qui suit de près), choisis sur le catalogue des donneurs/vendeurs de sperme et ovocytes, et puis ensuite génétiquement modifiés pour correspondre au plus près au « projet » : est-ce là le monde d’après dont nous voulons, pour les générations futures ?
Quel genre d’œillères faut-il avoir pour faire de la fabrication légale d’enfants privés de père une « priorité », alors que l’épidémie a fait 30 000 victimes[4], qu’on annonce une récession du PIB à – 8,2 % sur 2020[5]et plus d’un million de demandeurs d’emploi supplémentaires – 843 000 pour le seul mois d’avril, dont beaucoup savent qu’ils ne retrouveront pas leur travail ?[6]Ce n’est pas pour rien que 71% des Français interrogés estiment, eux, que le PJL bioéthique doit rester suspendu. Il leur reste le bon sens, et le contact avec la réalité qui semblent avoir déserté certains rangs du Parlement.
Signe d’espoir dans cet agenda hors sol : lors de son intervention du 14 juin, le Président de la République a exposé ses priorités parmi lesquelles, raison oblige, ne figure pas le projet de loi bioéthique. Comment le Parlement peut-il le lendemain faire de ce projet de loi une échéance prioritaire ? Le « en même temps » passe, et encore, quand tout va bien. Dans le contexte de crise majeure qui touche de plein fouet tant de familles, de jeunes, de travailleurs, d’entreprises, il devient indécent.
Alors, que faire : désespérer ? Jamais ! Beaucoup de nos parlementaires, députés et sénateurs, n’étaient au fond pas vraiment emballés par ce projet de fabriquer des enfants interdits de père par la loi. Ils ont à leur portée l’occasion historique de dire stop à cette folie des enfants sans généalogie paternelle, des chimères humain/animal, des ovocytes congelés pour réaliser plus tard un projet parental version troisième âge.
L’urgence qui s’exprime tous azimuts n’envoie qu’un seul message : rejeter ce projet de loi bioéthique en vue de sa remise à plat, plus tard. Et s’attaquer, dès juillet, aux priorités attendues des Français.
[1]https://www.lamanifpourtous.fr/wp-content/uploads/2020/06/Sondage-IFOP-Rapport-Les-débats-sur-la-PMA-au-lendemain-du-déconfinement.pdf
[2]https://www.strategie.gouv.fr/sites/strategie.gouv.fr/files/atoms/files/2020-05-13_etat_des_lieux_du_financement_de_la_protection_sociale.pdf
[3]https://www.ccomptes.fr/system/files/2019-10/20191008-rapport-securite-sociale-2019-2.pdf
[4]https://www.linternaute.com/actualite/guide-vie-quotidienne/2462477-direct-coronavirus-au-milieu-de-l-optimisme-en-france-l-ombre-d-une-deuxieme-vague/
[5]https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/l-europe-anticipe-une-baisse-du-pib-de-la-france-de-82percent-en-2020-1908613.html
[6]https://www.challenges.fr/economie/social/france-le-peril-jeune_713340