Dans sa matinale du 5 mai 2020 sur Radio Courtoisie, Ronan Cotten a demandé à Olivia Sarton de présenter aux auditeurs son livre “PMA : ce qu’on ne vous dit pas, Business, lobbying et compromission, risques pour la santé, faible taux de réussite”, publié aux Editions Tequi
Ronan Cotten : Bienvenue à tous ceux qui nous rejoignent ce matin dans la matinale de Radio Courtoisie, voici l’entretien avec notre invitée, j’ai le plaisir ce matin de recevoir Olivia Sarton. Bonjour Olivia Sarton !
RC : Je rappelais vous êtes une ancienne avocate au barreau de de Paris, vous avez travaillé pour la défense pénale des mineurs victimes, avant d’exercer de longues années d’ailleurs en droit du travail. En 2019, vous avez rejoint l’association Juristes pour l’Enfance qui œuvre à la défense des droits de l’Enfant, et vous venez de publier aux éditions Téqui, un document intitulé “PMA : ce qu’on ne vous dit pas, Business, lobbying et compromission, risques pour la santé, faible taux de réussite”.
Un document de 184 pages clair et percutant qui revient sur certains pans confus des débats suscités par la loi Bioéthique, en attente de passer à l’Assemblée pour une deuxième lecture, et qui fait aussi la lumière sur des aspects cachés de ce sujet.
Olivia Sarton, dans un entretien accordé à BFMTV, le 30 avril, le professeur Raoult, Didier Raoult, cette star de la médecine, ainsi que de l’infectiologie, explique que la chloroquine pour guérir du COVID-19, a heurté un courant dominant dans la recherche occidentale, qui en fait, sous l’influence de ses partenaires économiques, privilégie l’innovation et les nouvelles molécules.
Dans votre essai, vous montrez finalement un peu comment ce projet dit « loi de la PMA pour toutes » est d’abord l’œuvre des lobbys de la Santé, Olivia Sarton… ?
OS : Oui tout à fait ! C’est vrai que le professeur Raoult a montré que l’influence des laboratoires était très forte pour maintenir un modèle économique avec le développement de nouveaux médicaments générateurs de profits, et on retrouve un peu un phénomène similaire dans ce dossier de la procréation médicalement assistée.
Le but de mon essai est de montrer que l’enjeu du projet de loi Bioéthique ce n’est pas tant un sujet de société, mais avant tout des enjeux financiers considérables.
Donc quand on parle de Procréation Médicalement Assistée, qu’on entend plus souvent sous le terme de PMA, on a vraiment un enjeu de convoitise, scientifico-financière, mais ce n’est pas tant la PMA que tout l’humain et le corps humain, qui font l’objet de captation et de marchandisation de la part des techno-scientifiques, et notamment des acteurs que l’on retrouve : les cliniques de fertilité, les laboratoires, les banques de gamètes…
Il faut expliquer cela en réalité dans un domaine plus large : c’est un business qu’on appelle celui des NBIC : Nano-technologies, Bio-technologies, Informatique (Technologie de l’Information) et sciences Cognitives, et ces quatre domaines sont étroitement liés les uns aux autres et l’enjeu financier est considérable !
Pourquoi ? Parce qu’on arrive à un moment où on constate l’essoufflement de notre modèle économique, qui est basé sur une consommation extensive, or on touche du doigt l’enjeu écologique, l’épuisement des ressources naturelles…
Et donc les scientifiques, les financiers ont cherché des solutions pour continuer à générer d’immenses profits, maintenir notre modèle économique, comme le soulignait le Pr Raoult le 30 avril. Dès 2009, il y a un plan d’action qui a été mis en place au niveau de l’OCDE, pour favoriser la mise en place d’un modèle de développement dans lequel l’exploitation et la manipulation techno-scientifique du vivant allait constituer la source, pour des années à venir, de la productivité économique. Il y a eu des investissements massifs qui sont basés sur l’idée que le vivant est une ressource toujours renouvelable, et notamment dans le domaine de la marchandisation du corps humain et dans celui de la PMA.
Ce qui est « formidable », c’est que finalement on a une donnée unique qui est l’homme, et qui est à la fois la ressource du marché et le consommateur du marché. Donc en fait, on a une catégorie qui est gigantesque et inépuisable, l’homme, et qui va à la fois être exploité, et à la fois être le consommateur.
Et la PMA est vraiment dans ce domaine-là, elle fait partie du domaine de la Biotechnologie, dans celle-ci les capitaux investis représentent des dizaines de milliards de dollars. Alors, il n’y a pas que la PMA dans la Biotechnologie, il y a par exemple tout ce qu’on appelle la fem-tech’, toutes les applications qui sont dédiées à la santé des femmes. On estime qu’entre 2015 et 2018 c’est plus d’un milliard de dollars investis dans le domaine de la fem-tech’ aux États-Unis. Cette industrie devrait peser 50 milliards de dollars d’ici 2025. Pour la PMA, on est sur des chiffres et des enjeux similaires.
RC : Vous dites dans votre essai, et vous documentez, qu’il existe à peu près aujourd’hui déjà 500 cliniques spécialisées dans la fertilité aux États-Unis, c’est ça ?
OS : Oui, alors c’est ça ! Aujourd’hui on a un organisme de contrôle qui les comptabilise, et on sait qu’il y a à peu près 500 cliniques de fertilité aux États-Unis, ce qui représente un chiffre d’affaire d’environ une dizaine de milliards de dollars.
La problématique, c’est que quand les pratiques mises en œuvre sont contestables, la force du lobby qui est derrière est telle que l’on ne peut pas s’y opposer.
Mais il faut savoir qu’en Europe on a aussi des chaînes de cliniques très importantes et notamment en Espagne, qui est un pays quand même beaucoup plus petit que les États-Unis, on estime qu’il y a déjà entre 300 et 400 cliniques de fertilité, donc si on compare par rapport aux chiffres des États-Unis c’est énorme. Et l’Espagne n’a pas l’exclusivité, il y en aussi beaucoup notamment en Europe de l’Est ou en Europe du Nord…
RC : Vous citez dans votre ouvrage un pourcentage intéressant « ce secteur d’activité croit de 10 à 20 % par an en Europe », c’est ça ?
OS : Tout à fait ! Et c’est vraiment l’objectif, c’est l’un des enjeux du projet de loi Bioéthique puisque finalement en France, le marché est assez restreint.
RC: Un mot justement du marché français ! Où en est-on aujourd’hui de ce business qui semble déjà très florissant Outre-Atlantique, quelles sont les perspectives, et dans quelle perspective s’inscrit cette offensive PMA pour Toutes ?
OS : En France on a une loi aujourd’hui qui est « assez restrictive », pourquoi ?
Parce que la PMA n’est ouverte qu’aux couples homme-femme souffrants d’une infertilité, ou pour lesquels un diagnostic médical a conclu que l’on devait passer par une PMA pour éviter la transmission d’une maladie particulièrement grave.
La seconde restriction c’est que quand la PMA est opérée avec les gamètes d’un tiers, c’est-à-dire d’une personne extérieure au couple, on ne peut avoir qu’un unique don de gamète. C’est-à-dire soit un gamète féminin, soit un gamète masculin, mais on n’a pas de double don comme c’est le cas par exemple en Espagne, et les gamètes ne peuvent être vendus. Les gamètes doivent faire l’objet « d’un don désintéressé ».
Par ailleurs, la Gestation pour Autrui (GPA) est interdite.
Donc c’est une loi qui est restrictive et qui fait que le marché est contraint. Alors certes, lorsqu’on voit le coût pour l’Assurance Maladie, cela semble important puisque d’après les chiffres donnés par le rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale en 2019, le coût de la PMA était en 2016 de 295 millions d’euros, ce qui est déjà beaucoup, mais c’est très peu par rapport aux milliards qui sont convoités, surtout que ces millions d’euros sont éclatés entre divers acteurs. D’où l’enjeu d’arriver à briser ce cadre législatif contraint, et c’est l’objet du projet de loi Bioéthique.
RC : Alors justement ce qui est intéressant dans votre livre, c’est que vous montrez finalement que de manière consciente ou inconsciente, ces fameux lobbys LGBT qui mettent en avant leur drapeau de conquête, ont été, ou on bien voulu être instrumentalisés par ces ces fameux lobbys économiques qui visent, je le souligne car c’est très important dans votre ouvrage, pas vraiment ces gens là, mais surtout toutes les femmes fertiles. Et ces lobbys ont créé ce que vous appelez « un droit victimaire autour du désir d’enfant ». Expliquez-nous ça, Olivia Sarton !
OS : Effectivement les femmes seules ou les couples de femmes sont une population assez restreinte en France, quoiqu’il en soit, et donc ce n’est pas eux l’objectif du marché, car ce n’est pas eux qui vont permettre de créer ce business si florissant. L’objectif, c’est de toucher toutes les femmes, et notamment les femmes fertiles. C’est pour cela qu’en première lecture, à l’Assemblée Nationale, le texte de loi qui a été voté a ouvert la PMA à tous sans conditions ! Quand on dit à tous, on dit aux couples de femmes et aux femmes seules, mais surtout à toutes les femmes sans que l’on ne fasse de recherches pour détecter si elles sont fertiles ou infertiles. Et c’est vraiment elles, et plus précisément les couples hétéro-sexuels qui sont la véritable cible du marché, et d’ailleurs il y a des professeurs américains qui ne craignent pas de dire que dans 30 ou 40 ans, tous les gens qui auront une bonne couverture maladie dans le monde passeront par la Procréation Médicalement Assistée. Alors comment on a fait pour faire passer cette loi ?
RC : Voilà, ce fameux « droit victimaire » autour du désir d’enfant, très intéressant !
OS : Voilà, c’est un peu compliqué de dire de but en blanc « Ecoutez, vous allez tous passer par la PMA, parce que comme ça nous on va se remplir les poches ».
Donc on est passé par ce que j’appelle le « droit victimaire », c’est-à-dire qu’aujourd’hui en France on a un véritable dévoiement du droit, qui se transforme en droit subjectif, lequel s’appuie sur des désirs contrariés pour créer des catégories de victimes. Les victimes ont tous les droits, on leur accorde tous les droits. Et là en l’occurrence, c’est ce qui a été fait : on a aiguillonné chez les personnes LGBT ou les personnes seules, le désir d’enfant présent dans une grande partie de l’humanité. On en a fait des victimes parce qu’on leur a dit « votre désir d’enfant, s’il est présent, la science pourrait y remédier ! Mais la loi l’interdit ! Vous êtes donc des victimes de cette société rétrograde, de ces mouvements homophobes, de cette loi qui ne veut pas vous accorder ce que la science est légitimement prête à vous donner… »
RC : Donc on confisque les débats et on interdit le débat au passage, ça fait partie du plan…
OS : On interdit tout débat parce que la victime a tous les droits, et quiconque s’oppose à la victime devient un bourreau ; donc tous les opposants à la PMA pour tous deviennent des bourreaux, et on crée des droits absolus pour ces victimes qui se voient reconnaître par la loi, le droit au désir d’enfant, même si ce n’est pas inscrit dans la loi, en réalité le droit à l’enfant est présent dans cette loi. Mais le tour de passe-passe, c’est qu’on se sert de cette catégorie de prétendues victimes auxquelles on donne des droits pour enlever tous les verrous, toutes les garanties contre ce marché de la PMA et contre cette marchandisation du corps humain, c’est ce tour de passe-passe auquel on assiste avec le projet de loi Bioéthique.
RC : Voilà, un mot sur ces verrous, justement parce que vous dites que derrière la cible, qui sont les femmes, toutes les femmes, et en particulier les femmes fertiles, en fait ce qui se dessine vraiment très clairement, d’autres l’ont dit, mais vous le redites à votre tour, c’est l’eugénisme, les pratiques eugénistes, et des pratiques de création artificielle sur étagère ; vous appelez ça même la « chosification » du droit, c’est-à-dire que l’enfant devient une chose, un objet, au même titre qu’un téléphone portable, on est dans la consumérisation ; expliquez nous ça, Olivia Sarton !
OS : Oui on est vraiment dans la consumérisation, alors d’abord je rappelle, je redonne peut-être les chiffres qui sont intéressants, parce qu’on est tous d’accord qu’un enfant conçu naturellement dans le lit de ses parents, la conception ne coûte rien. Alors que, pour les deux grands types de procréation médicalement assistée, d’une part l’insémination artificielle, le chiffre d’affaires apporté pour une clinique c’est environ 7000 euros. Et quand on passe par une fécondation in vitro, c’est-à-dire ce qu’on appelle le bébé éprouvette, le chiffre d’affaires pour la clinique c’est 14 000 euros.
Donc on voit vraiment que l’enjeu financier par tête d’enfant est très important, et effectivement on est sur un risque de réification (fait de chosifier un être vivant) de l’enfant.
Parce que là encore, on a le mythe de l’enfant parfait, et bien qu’en France ça soit pour le moment interdit, cette interdiction va tomber. Pourquoi ? Parce que à partir du moment où on va ouvrir la PMA à tous sans conditions, on va avoir une difficulté liée au fait qu’il n’y ait pas assez de gamètes, étant donné que les gamètes, le don de gamètes n’est pas rémunéré en France ; les gens ne sont pas fous, et ils savent bien que ce n’est pas un acte altruiste comme on essaie de leur faire croire, et donc en France on a une pénurie de gamètes. A partir du moment où vous avez une pénurie de gamètes, si vous voulez satisfaire votre clientèle, vous allez finir par acheter des gamètes ! Et à partir du moment où vous achetez des gamètes, la personne qui paie va vous dire « Moi j’ai le droit de choisir les gamètes qui me conviennent ». Par exemple en Espagne, où le tri de gamètes est autorisé, vous allez choisir des gamètes qui proviennent d’une donneuse grande, blonde, aux yeux bleus, pulpeuse, etc. Donc ça c’est le premier danger de réification de l’enfant, c’est le tri de gamètes, qui est vraiment à l’œuvre aujourd’hui.
Et le deuxième danger, c’est tout ce qui est lié au diagnostic pré-implantatoire, et on a vu dans les débats du projet de loi Bioéthique : il y avait vraiment des offensives pour étendre le champ de ce diagnostic pré-implantatoire, qui est déjà permis pour un certain type de maladies. Et on arrive au mythe et à la commande de l’enfant parfait, qui est en réalité une aporie ! Et c’est la raison pour laquelle on sait, bien que ça soit un tabou, que, dans les enfants issus de PMA, il y a parfois des rapports avec les parents qui se passent très mal parce que les parents attendent un enfant qu’ils ont déterminé sur tel et tel critère. Or l’enfant est toujours différent, donc c’est toujours une surprise par rapport aux parents, et encore d’autant plus quand vous avez cru que vous alliez pouvoir configurer précisément votre enfant.
RC : Olivia Sarton, il nous reste deux minutes à peine, je voudrais qu’on dise quand même un mot d’un sujet très important que vous abordez dans votre livre. C’était que cette extension de la PMA est porteuse de dégâts qui ne sont pas vraiment collatéraux. Car en réalité on sait déjà que la PMA a des conséquences qui sont importantes et très souvent négatives, non seulement sur l’enfant à naître, mais sur les femmes, sur les couples. Un mot, en une minute et demie, sur ces conséquences qu’on connaît aujourd’hui, qu’on a tendance à minimiser en France, mais que les gens qui pratiquent la PMA, ne cachent pas eux-mêmes.
OS : Oui, ça c’est quand même un mensonge français qu’il faut dénoncer : c’est celui d’innocuité de la PMA qu’on relit souvent, dans les magazines, les journaux ! Et c’est vraiment un mensonge, parce que la PMA est loin d’être sans risques ! Les premiers exposés aux risques sont les enfants, comme vous le dites. Je vais juste donner quelques chiffres puisqu’on n’a plus beaucoup de temps : ils ont 40 % de risques de plus d’avoir une malformation congénitale non chromosomique comme des anomalies cardiaques ; ils ont 2,43 fois plus de risques de développer des cancers infantiles ; ils ont 45 % de risques de plus de mourir avant un an, et il y a de nombreux autres troubles périnataux, des scores de puits inférieurs, des troubles du comportement, etc. On a aussi le risque de moindre diversité des enfants.
RC : C’est parce que l’on stresse les molécules, c’est ça l’explication ?
OS : C’est ça, parce qu’on stresse la molécule, et c’est directement lié aux techniques utilisées, les techniques invasives, qui conduisent à une infraction des cellules, et qui induisent ces risques. Alors, en réalité, aujourd’hui les scientifiques ne savent pas très bien les expliquer, ils peuvent juste les constater, et à partir du moment où on a un constat, il faut le faire savoir, et il faut dire que la PMA n’est pas sans risque pour les enfants. Et on a aussi les risques qui concernent les adultes.
RC : Merci beaucoup pour toutes ces explications ! Je rappelle que vous signez aux éditions Téquy ces jours-ci, un ouvrage intitulé « PMA : ce qu’on ne vous dit pas », vous pouvez le commander, et avoir la version numérique chez l’éditeur. Merci beaucoup, bonne journée à vous Olivia Sarton. Il est 7h28, merci à tous ceux qui nous ont suivi ce matin comme tous les mardis, mercredis et jeudis, et excellente journée à tous !