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«Il faut mettre fin à la tolérance des pouvoirs publics face à la GPA»

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maître Adeline Le Gouvello, Le Figarovox le 15/03/2019

FIGAROVOX/ENTRETIEN – Adeline Le Gouvello a fait suspendre l’accès, en France, à un site promouvant la gestation pour autrui. Selon l’avocate, la législation française maintient une interdiction claire de la GPA mais son application est affaiblie par un manque de volonté politique.


Adeline Le Gouvello est avocate, spécialisée dans les droits de la propriété intellectuelle et le secteur de l’enfance.


FIGAROVOX.- Vous êtes avocate pour l’association «juristes pour l’enfance»: mardi 26 février, le TGI de Versailles a contraint sur votre demande l’hébergeur de sites Internet OVH à suspendre l’accès en France à un site promouvant la gestation pour autrui. Pouvez-vous nous résumer, en quelques mots, comment le tribunal a motivé sa décision?

Adeline LE GOUVELLO- Le tribunal a motivé sa décision de façon très rigoureuse en procédant en deux temps. Il a d’abord analysé le contenu du site pour savoir si ce dernier était manifestement illicite avant d’examiner si l’hébergeur avait commis une faute. Les dispositions légales sur la GPA étant parfaitement claires (prohibition de la GPA, et de toute entremise en vue d’une GPA, sanctions pénales à l’appui ; nullité des conventions de mère porteuse), et la lecture du constat ne laissant pas de place au doute quant à la réalité des services proposés, il a été établi que le contenu en était bien manifestement illicite: SUBROGALIA revendiquait un véritable accompagnement dans le processus de GPA, cinq années d’expérience (en 2016), 150 GPA par an, plus de 800 clients satisfaits. Le public français était clairement visé, du fait de la mise à disposition du site en langue française, des services spécifiquement dédiés aux Français (accompagnement juridique notamment, avec un décryptage des derniers textes et de la jurisprudence). Dans un second temps, les juges ont regardé si ce contenu manifestement illicite avait été notifié à l’hébergeur et si ce dernier l’avait retiré. Constatant que l’hébergeur avait été informé dès le 13 juin 2016 par l’association mais avait refusé de suspendre l’accès au site, ils ont considéré qu’il avait commis une faute.

La France qui s’enorgueillit d’être le pays des droits de l’homme devrait effectivement être à la tête du combat pour l’abolition universelle de la GPA.

Existe-t-il d’autres supports, sites Internet ou autres, faisant illégalement la promotion de la GPA en France?

Oui, les supports sont très nombreux. Mais une distinction doit être faite entre les sites vantant la pratique de la GPA, ce qui est une opinion qui n’est pas en elle-même incriminée, et les sites offrant des services de GPA (mise en relation avec des mères porteuses ou avec des agences, cliniques et autres permettant d’avoir recours à une mère porteuse). Il n’est pas possible en l’état actuel du droit de faire condamner ou bloquer l’accès à un site qui se contenterait de promouvoir la GPA sans proposition de services concrets. Toutefois, les sites prétendant n’offrir que de l’information sont bien souvent trompeurs et constituent des vitrines d’autres sites exerçant une activité en la matière en disposant de liens pointant vers le ou les sites commerciaux vraiment visés. Mais bon nombre de sites ne s’embarrassent même pas d’habillage et proposent de but en blanc les services attendus avec des «promotions de printemps» et offres de tous types censées attirer la clientèle. Il est d’ailleurs curieux que les ministres en exercice ne se soient jamais émus de cet état de fait qu’elles laissent prospérer alors qu’on sait combien les contrats de GPA sont dégradants pour la femme qui en fait l’objet. Il y a cinq ans déjà, le Défenseur des Droits, Dominique Baudis, s’en était pourtant inquiété et avait saisi la Ministre de la Justice de l’époque Christiane Taubira. Il pointait la multiplication préoccupante de ces sites commerciaux qui mettent en relation des personnes «dans le but délibéré de réaliser des actes de procréation en dehors du cadre légal de la procréation médicalement assistée (PMA)» et vont jusqu’à «accueillir explicitement des propositions d’abandon d’enfants à naître». Force est de constater que la Garde des Sceaux et celle qui lui succède ne se sont pas penchées sur le dossier.

Cette décision rappelle donc que la France ne permet pas la promotion pratique de la GPA. Pourtant, la circulaire Taubira de 2014 facilite la délivrance de certificats de nationalité pour les enfants nés de mère porteuse à l’étranger, et la jurisprudence de la Cour de Cassation a évolué, passant de l’interdiction des transcriptions des actes de naissance et des adoptions après GPA à leur admission. Existe-t-il un flou juridique sur la tolérance ou non du recours à la GPA par des parents français à l’étranger?

Il n’y a pas de flou juridique mais une tolérance de certains pouvoirs publics, en contrariété avec nos lois.

Il n’y a pas de flou juridique mais une tolérance de certains pouvoirs publics, en contrariété avec nos lois. L’argument systématiquement avancé pour valider les conséquences d’une GPA faite à l’étranger est celui de «l’intérêt des enfants» qui ne devraient pas subir les conséquences du mode de conception choisi par leurs parents. Or, quoi qu’aient fait nos parents, nous en subissons toujours les conséquences: l’enfant d’un auteur de délits ou de crimes devra assumer le fait de voir son père en prison, subira la honte et la souffrance de ne pas avoir une vie familiale normale. Va-t-on renoncer à incarcérer tous les délinquants ou criminels ayant des enfants? Ensuite, on confond l’intérêt général des enfants, qui consiste à ne pas pouvoir être abandonné par sa mère ni vendu, et l’intérêt particulier de ces enfants concernés, dont la situation ne peut être utilisée pour anéantir l’intérêt de l’enfant en général. Enfin, en réalité, l’intérêt particulier de ces enfants n’a jamais été en cause: ces enfants ont toujours eu un statut (acte de naissance établi dans le pays de naissance, nationalité du pays de naissance puis nationalité française automatiquement acquise au bout de 5 ans, la France n’ayant jamais dénié l’autorité parentale aux parents désignés dans l’acte de naissance étranger). La seule difficulté restante n’était pas très lourde et incombait aux parents: lorsqu’un acte de naissance était nécessaire, il fallait solliciter l’état civil du pays de naissance (comme bien des personnes en France à l’heure actuelle). La véritable raison bien entendu de cette bataille judiciaire n’était pas «l’intérêt des enfants» mais celui des adultes qui entendaient par ce moyen faire avancer la reconnaissance de la GPA en France en faisant valider ses conséquences de façon à vider l’interdiction de toute substance.

La loi est donc claire mais il y a un manque de volonté politique pour l’appliquer, de façon à banaliser la GPA.

Or, si vraiment la Garde des Sceaux et les juges n’ont pour seule préoccupation que l’intérêt de l’enfant tout en conservant le souci d’être garants de la bonne application des lois démocratiquement votées (et donc de l’interdiction de la GPA), pourquoi les dispositions pénales sur la GPA ne sont-elles pas systématiquement appliquées? Les Parquets refusent de poursuivre les agences étrangères qui viennent sur le territoire français démarcher les clients en vue de PMA et de GPA parfaitement illégales. Des plaintes ont été déposées mais ils ont préféré ne pas y donner suite et laissent ce business florissant se développer, sur le dos des femmes et des enfants. Les éléments constitutifs des infractions sont pourtant commis en France: entremise, signature de contrat, paiements, etc…

La loi est donc claire mais il y a un manque de volonté politique pour l’appliquer, de façon à banaliser la GPA. Afin d’empêcher cela, il conviendrait donc de renforcer les dispositions légales existantes en les complétant et en incriminant directement la simple promotion et le fait d’aller à l’étranger pour avoir recours à une GPA.

Pensez-vous que la France devrait militer pour une abolition universelle de la GPA?

La France qui s’enorgueillit d’être le pays des Droits de l’Homme devrait effectivement être à la tête du combat pour l’abolition universelle de la GPA. La simple lecture d’un contrat de GPA, rédigé pourtant dans les pays les plus «développés» et les plus riches du monde, laisse le lecteur doté d’un minimum de bon sens abasourdi: l’enfant y est traité comme une chose que l’on remet, qui doit être exempt de tout vice et défaut. La femme ne s’appartient plus: la moindre chose de sa vie est prévue et ordonnée (alimentation, relations avec son mari, déplacements, etc…) ; elle endosse tous les risques et n’a bien entendu plus le droit d’émettre le moindre avis ou souhait en ce qui concerne sa grossesse et le bébé à venir. C’est la négation de l’humain et l’avènement du Marché de l’Humain, nouvelle forme d’esclavage moderne. La France doit combattre cela.

Article original : http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2019/03/15/31003-20190315ARTFIG00171-adeline-le-gouvello-il-faut-mettre-fin-a-la-tolerance-des-pouvoirs-publics-face-a-la-gpa.php

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