Et le droit dans tout ça?
Une chronique présentée chaque semaine sur Radio Espérance par Aude Mirkovic et Olivia Sarton
15 mai 2020 : la filiation (1/2)
ou à lire ci-dessous!
Chers amis auditeurs de radio espérance, bonjour.
Aujourd’hui, nous parlons de la filiation.
Que faisons-nous pour attester de notre filiation ? Nous produisons un extrait d’acte de naissance.
En effet, la filiation découle de l’acte de naissancequi dit à chacun de qui il est né, c’est-à-dire qui l’a engendré, qui sont ses père et mère.
Ceci nous conduit à deux questions:
- les père et mère sont-ils nécessairement le père et la mère biologiques ?
- les parents sont-ils nécessairement père et mère, c’est-à-dire homme et femme, ou peuvent-ils être deux femmes, ou deux hommes, ou trois ?
Examinons aujourd’hui la première question : les père et mère ne sont pas nécessairement les parents biologiques, car la filiation ne se réduit pas au donné biologique : l’engendrement dont elle découle est le plus souvent biologique, mais il peut aussi être symbolique.
C’est le cas par exemple dans l’adoption.
Ou encore, lorsqu’un homme reconnaît un enfant, on ne vérifie pas qu’il est bien le père biologique et il est possible qu’il ne le soit pas : l’enfant n’est pas alors issu de ses parents mais se pense comme tel, se construit comme tel.
Pour autant, si le lien biologique n’est pas indispensable en matière de filiation, peut-on en déduire qu’il serait indifférent ? La réponse est bien entendu négative.
Un exemple pour le comprendre. Dans le cadre des PMA, une erreur d’éprouvette se produit parfois : la femme est inséminée par les gamètes d’un autre homme que son conjoint, ou se voit implanter un embryon issu d’un autre couple.
S’il est vrai que le lien biologique est indifférent en matière de filiation, le fait que l’enfant soit issu d’un autre couple ne devrait pas poser de problème.
Et pourtant, c’est un drame pour les couples qui subissent ces erreurs, au point qu’il semble qu’ils préfèrent alors avorter ou, au moins, réclament des dommages-intérêts à la clinique responsable de l’erreur.
N’est-il pas alors quelque peu léger de décréter que, pour un enfant, il serait indifférent d’avoir comme parents ses géniteurs ou quelqu’un d’autre ?
En 1994, la loi a autorisé la PMA avec des gamètes extérieurs au couple.
On a voulu croire que, pour l’enfant, seul importait d’être aimé après avoir été désiré.
Aujourd’hui, la première génération issue des dons est devenue adulte : ces jeunes aimés et désirés, expliquent pourtant que ce n’est pas si simple et qu’être issu de quelqu’un, quand bien même on l’appellerait donneur, n’est pas indifférent.
Avec le don de gamètes se pose la question : est-il important, ou non, d’être issu de quelqu’un ? Mais si c’est important pour les uns, comment déclarer que cela sera sans intérêt pour les autres, à savoir les enfants issus du don ?
Certains pensent tout résoudre avec la levée de l’anonymat du donneur, à la majorité de l’enfant.
Voyons voir : le couple qui a reçu par erreur un embryon d’un autre couple, pensez-vous qu’il sera satisfait avec la levée de l’anonymat, à savoir l’identité du couple à l’origine de l’embryon ?
Alors par quel miracle la levée de l’anonymat pourrait tout réparer pour l’enfant ?
En outre, si l’information sur l’identité du donneur est cruciale, pourquoi attendre la majorité de l’enfant pour la lui communiquer ?
Mais comment l’enfant pourrait-il vivre sa filiation avec son père légal, en présence de ce donneur ?
Quel sera le statut de ce donneur ? Quel genre de relations pourraient s’établir entre l’enfant et lui, avec les autres enfants du donneur ?
Anonymat ou non, c’est le don de gamètes qui est problématique parce que, si la filiation ne se réduit pas à sa dimension biologique, la dimension biologique n’est pas sans intérêt, loin de là.