Depuis sa déclaration de candidature en 2017, le Président de la République, Emmanuel Macron, est animé par la conviction que tous les jeunes Français aspireraient à s’engager pour servir la République et les autres citoyens ; mais la plupart ne trouveront jamais l’occasion de réaliser leur ambition généreuse ; ce serait donc à l’État de remédier à cette injustice flagrante.
Depuis juin 2019 les gouvernements successifs essaient de traduire cette vision politique sous la forme d’une solution administrative : le Service National Universel (SNU), qui se compose de trois éléments : un « stage de cohésion », une « mission d’intérêt général » et une « période d’engagement ». Il s’agit donc d’un montage complexe, mais cohérent avec la pensée de M. Macron : pour démontrer que tous les jeunes, sans exception, ont le désir de s’engager, il faut d’abord inviter les jeunes déjà motivés à se manifester ; puis les mettre au contact de jeunes pas encore motivés mais ne demandant qu’à l’être ; et enfin donner à tous la possibilité de s’engager effectivement.
Six ans plus tard, la démonstration se fait toujours attendre. En 2023, alors que le vivier du dispositif (jeunes âgés de 15, 16 ou 17 ans) représentait environ 2,5 millions d’individus, seulement 40.000 jeunes ont participé aux stages de cohésion, soit 1,6 % du total. Or un récent rapport de la Cour des Comptes chiffrait à environ 120 millions d’euros le coût de cette opération pour le budget de l’État. De plus, on ne compte pas le nombre des signaux d’alerte sur la difficulté d’apporter des preuves administratives de la justesse de l’intuition du Président de la République.
Rejet par le Parlement?
Alors que le Parlement n’avait jamais eu, jusqu’à présent, la volonté d’exprimer une opinion forte sur ce dispositif du S.N.U., il vient de le faire à l’occasion de la préparation du budget 2025 de l’État. Successivement, les crédits correspondants ont été refusés par l’Assemblée nationale (en même temps que la totalité du budget) et par le Sénat (séance du 16 janvier 2025). Malgré cette opposition caractérisée, le gouvernement a cependant fait part de sa volonté de « travailler à l’amélioration du dispositif », et nullement de le supprimer.
Dans ce contexte l’association Juristes pour l’Enfance tient à exprimer fermement les positions suivantes :
• Il n’est pas nécessaire de mobiliser les crédits ni les services de l’État pour prouver la générosité des enfants et des jeunes et leur donner la possibilité de l’exprimer ; le cadre familial est le mieux adapté pour accueillir et orienter la spontanéité des futurs adultes ; au-delà, d’innombrables structures existent déjà pour permettre aux jeunes de manifester leurs qualités naturelles ou acquises. Au lieu de s’user à démontrer une abstraction, l’État devrait donc plutôt aider à résoudre des problèmes concrets et quotidiens ;
• Parmi les besoins prioritaires qui devraient être pris en charge par l’État, Juristes pour l’Enfance appelle particulièrement l’attention sur le secteur de la pédopsychiatrie et sur la protection de l’enfance. L’association constate en particulier que les décisions de justice demeurent trop souvent inexécutées, faute de travailleurs sociaux disponibles, en matière d’assistance éducative ou de droits de visite médiatisés entre parents et enfants.
L’issue du débat budgétaire entre le gouvernement et le Parlement est encore, à ce jour, entourée de beaucoup d’incertitudes. Mais Juristes pour l’Enfance formule le vœu que les aléas politiques ne donneront pas au SNU une chance supplémentaire de poursuivre sa course chaotique et dispendieuse.
Pour finir, JPE rappelle que l’ambition de rendre le SNU obligatoire pour toute la classe d’âge des 15-17 ans, annoncée depuis le début, réaliserait une atteinte sans précédent à l’autorité parentale puisque les enfants seraient soustraits à leur famille et enrôlés dans ce projet sans l’accord des parents. Un tel dispositif obligatoire serait en outre contraire à la Constitution qui ne permet la sujétion des personnes que dans un but de défense nationale.