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Journée européenne contre la traite: la gestation pour autrui est une forme de traite

Communiqué de presse du 17 octobre 2024

A l’occasion de la journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains de vendredi 18 octobre 2024, Juristes pour l’enfance rappelle que la gestation pour autrui est une forme de traite des femmes mères porteuses et des enfants.

Le protocole additionnel à la Convention des Nations Unies visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, définit la traite des personnes comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par  enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou  d’une  situation  de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation » (art. 3).

Or l’exploitation de la GPA, qui fait désormais partie des cas minimum de traite au sens de la directive européenne sur la traite, remplit au moins les critères suivants :

– Le transfert. L’enfant est transféré de la mère porteuse aux commanditaires en général dans les premières secondes qui suivent la naissance. Ce transfert est l’objet même du contrat, le cœur de la GPA, qu’elle soit réalisée à titre rémunéré ou non.

– L’hébergement. Les mères porteuses sont parfois « hébergées », pour ne pas dire séquestrées, pendant toute la grossesse, dans des structures qui les éloignent de leur famille. A la naissance la mère porteuse et l’enfant sont « hébergés » au sein de la clinique en lien avec la société de GPA.

– L’enlèvement. L’enfant est enlevé à sa mère, celle qui l’a porté durant 9 mois et son seul univers, et remis aux commanditaires qui l’emmènent avec eux, alors qu’ils sont pour lui des étrangers.

– L’abus d’une situation de vulnérabilité. Les femmes recrutées comme mères porteuses sont en situation de vulnérabilité économique et sociale : on n’a jamais vu une femme riche porter un enfant pour le remettre une personne pauvre. La vulnérabilité de la mère porteuse est le plus souvent la raison qui la pousse à louer son utérus dans le cadre d’une gestation pour autrui. Le protocole précise que le consentement de la personne est inopérant dès lors que les critères précédents sont rencontrés.

Quant à l’enfant, sa vulnérabilité extrême permet aux protagonistes de décider de son sort : il est remis à sa naissance à ceux-là mêmes qu’il pourrait poursuivre au titre de la traite des êtres humains. Un contrat passé en violation de ses droits fait disparaître sa filiation d’origine et lui désigne des parents intentionnels qui vont disposer de l’autorité parentale à son égard, et n’exerceront évidemment jamais une action contre eux-mêmes. La vulnérabilité de l’enfant dans la GPA est triple car il n’est protégé ni par sa mère porteuse, ni par ses commanditaires et ni même par le droit qui laisse faire ou qui organise cette vulnérabilité.

 

Il convient de prendre au sérieux la gestation pour autrui pour ce qu’elle est : une forme de traite des êtres humains. 

Les coupables de ce crime sont en premier lieu les acteurs de ce marchétrès lucratif mais, également, les commanditaires, qu’ils en soient conscients ou non. Les bonnes intentions qu’ils nourrissent à l’égard de l’enfant ne changent pas la réalité que la GPA fait de l’enfant l’objet d’un contrat, et d’un contrat de disposition emportant sa remise de l’un à l’autre, prérogative par excellence du propriétaire : l’enfant est ainsi  dans « l’état ou condition d’un individu sur lequel s’exercent les attributs du droit de propriété ou certains d’entre eux », définition de l’esclavage donnée par la Convention de Genève relative à l’esclavage du 24 septembre 1926.

 

Une prise de conscience en marche ?

Juristes pour l’enfance salue une prise de conscience à l’œuvre sur la réalité de la GPA :

– Le 23 avril 2024, le Parlement européen a intégré dans la directive européenne sur la traite « l’exploitation de la gestation pour autrui » dans la liste des « cas minimum » de traite des êtres humains (Résolution législative du Parlement européen du 23 avril 2024 sur la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2011/36/UE concernant la prévention de la traite des êtres humains et la lutte contre ce phénomène ainsi que la protection des victimes (ICI).

– Le 16 octobre, le Sénat italien a adopté une loi visant à réprimer pénalement le recours à la gestation pour autrui, y compris si elle a lieu à l’étranger dans un pays où elle est légale (ICI).  

– Surtout, les victimes de la GPA commencent à se faire entendre, à travers la voix notamment d’Olivia Maurel, jeune femme née de GPA et porte-parole de la Déclaration de Casablanca (voir le témoignage d’Olivia ICI), qui œuvre pour en vue d’une convention internationale d’abolition universelle de la gestation pour autrui (voir la Déclaration ICI).

Juristes pour l’enfance demande à la France de sortir de la résignation et de renforcer sa législation en vue de rendre la prohibition légale efficace, en sanctionnant le recours à la GPA y compris à l’étranger, comme vient de le faire l’Italie.

 

 

Les propositions de Juristes pour l’enfance en matière de gestation pour autrui

 

Aujourd’hui en droit français, il n’existe pas d’infraction visant spécifiquement le recours à la GPA. Seuls les intermédiaires entre clients et gestatrices encourent une sanction pénale. Les clients ne sont pas visés par une infraction spéciale de recours à la GPA mais se rendent coupables du délit d’incitation à abandon d’enfant et, le cas échéant, d’atteinte à l’état civil de l’enfant (notamment si la mère d’intention est déclarée comme mère à l’état civil, cela constitue le délit de supposition d’enfant).

Pour les actes commis en France, ces délits sont insuffisants car ils ne tiennent pas compte de la programmation de l’abandon et de la remise de l’enfant. Il ne s’agit pas seulement de solliciter une femme enceinte (ce qui constitue le délit de provocation à abandon d’enfant) mais de programmer une grossesse en vue de l’abandon de l’enfant, le contrat n’étant exécuté non pas seulement avec la « gestation » mais seulement avec la remise de l’enfant . Il convient donc d’introduire dans le code pénal une infraction visant spécifiquement le recours à la GPA.

Quant au recours à la GPA à l’étranger, il ne tombe pas du tout sous le coup de la loi française, car les infractions existantes relatives à la GPA sont des délits au regard du droit français. Or, si les crimes commis par des Français à l’étranger sont toujours punissables par les tribunaux français, les délits ne sont passibles des tribunaux français que si les faits sont également constitutifs d’un  délit dans le pays où ils ont été commis (à moins que la victime ne soit elle aussi française et qu’une peine d’emprisonnement ne soit encourue) (C. pén. Art. 113-6). En conséquence, lorsque des Français recourent à une GPA dans un pays où elle est autorisée, ils ne se rendent coupables sur place d’aucun délit. Les faits n’encourent donc en France aucune sanction pénale.

Pour que l’infraction tombe sous le coup de la loi française y compris lorsqu’elle est commise à l’étranger, il faudrait qu’elle soit constitutive d’un crime : une telle qualification n’aurait rien d’excessif compte tenu de la gravité des principes en cause.

Mais, si l’on conservait la qualification d’un simple délit, il serait encore possible de le sanctionner lorsqu’il est commis à l’étranger en écartant l’exigence de la double incrimination, comme cela l’a déjà été fait par exemple pour permettre de sanctionner les agressions sexuelles sur des mineurs commises par des Français dans des pays où elles ne sont pas réprimées (art. 222-22 al. 3 C. pén.).

Juristes pour l’enfance propose donc l’insertion, après l’article 227-12 du Code pénal, d’un article 227-12-1 ainsi rédigé:

« Art. 227-12-1. – Le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir la naissance d’un enfant par le recours à la gestation ou la procréation pour autrui est puni de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.

« Lorsque le délit prévu par le présent article est commis à l’étranger par un Français ou une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l’article 113-6, et les dispositions de la seconde phrase de l’article 113-8 ne sont pas applicables. »

 

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