Chronique du 7 octobre 2024, à écouter sur radio Espérance ICI
Vous avez certainement entendu parler de la polémique qui enfle au sujet de la sélection Goncourt dont la lecture est imposée à quelques milliers de lycéens en France dans le cadre de l’organisation du Prix Goncourt des lycéens.
Le prix Goncourt « adulte » si je puis dire a été créé en 1892. Une centaine d’années plus tard, la FNAC a imaginé de créer un prix Goncourt des lycéens. Celui-ci est donc d’abord une opération commerciale imaginée pour diffuser des livres auprès d’un public jeune. Le Ministère de l’Education nationale s’est associé à cette opération. Chaque année, quelques milliers d’élèves de lycées volontaires doivent lire une dizaine d’ouvrages dont un obtiendra le prix attribué grâce au vote des lycéens.
Le « hic » de l’opération tient dans le choix des livres dont la lecture est imposée. Ces livres sont en effet ceux retenus par les académiciens Goncourt pour le prix « adulte ». Or, il existe en France une loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse (Loi n°49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par des lois du 29 novembre 1954, du 17 mai 2011 et du 25 octobre 2021). Elle prévoit l’examen par une commission de contrôle de toutes les publications jeunesse, afin de vérifier que ces publications ne comportent aucun contenu dangereux pour les enfants et les adolescents. L’organisation du Prix Goncourt des lycéens shunte ce processus de contrôle et prive ainsi les mineurs de la protection visée par la loi.
Dans les quatorze livres de la sélection Goncourt de cette année destinés à un public adulte et non soumis à la commission de contrôle, au moins un est particulièrement inadapté aux mineurs. Il s’agit du Club des enfants perdus de Rebecca Lighieri. Ce n’est peut-être pas le seul. Le contenu du Club des enfants perdus coche tous les écueils énumérés dans la loi de 1949 car on y trouve de nombreux passages à caractère pornographique, des pratiques sexuelles avilissantes, un climat incestuel, de la violence, la banalisation de la consommation de stupéfiants ou de substances psychotropes, une insistance sur le suicide, et une vision dégradante de la femme. L’ensemble du livre offre à voir un monde contemporain entièrement glauque sans lumière ni espérance. Sa qualité littéraire est faible voire inexistante à mon goût.
Sa lecture constitue objectivement un danger pour les mineurs, et pas seulement pour les plus fragiles d’entre eux. Pour tous, il est susceptible de frapper négativement leur psychisme, notamment par la lecture de la mise en scène obscène et voyeuriste de l’observation par l’héroïne de la sexualité écœurante de ses parents.
Il est frappant que les professeurs ne refusent pas cette sélection Goncourt. Un certain nombre d’entre eux n’ont plus conscience de la nécessité de protéger l’enfance. Ils minorent le contenu du livre, taxant leurs élèves de « sensibles ». C’est la conséquence de notre société pornifiée. La conscience du mal objectif provoqué par de tels contenus a disparu et ce mal est nié.
La réaction des parents est indispensable : vous ne devez pas avoir peur de vous opposer à ces lectures. Ne redoutez pas d’être « mal vus » ou d’éventuelles conséquences négatives sur la scolarité de vos enfants. Leur protection est bien plus importante et, plus nombreuses seront les voix des parents qui réagiront, plus le combat contre la pornification de notre société pourra être gagné, et l’enfance respectée.
Et le droit dans tout ça ?
Une chronique de Juristes pour l’enfance présentée chaque lundi sur Radio Espérance, par Olivia Sarton, Matthieu le Tourneur et Aude Mirkovic, à 8h, 12h45 et 19h20 (durée 3 minutes)
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