Une chronique présentée chaque semaine par Juristes pour l’enfance sur Radio Espérance
Par Aude Mirkovic et Olivia Sarton, le vendredi à 7h50, 12h40 et 19h05 ainsi que le samedi à 8h20 (durée 3 minutes)
Chronique du 18 février 2022 à écouter sur Radio Espérance ICI
Chers amis auditeurs bonjour, et bienvenue dans votre chronique et le droit dans tout ça, présentée aujourd’hui par Aude Mirkovic.
Le 7 janvier dernier, un juge a accepté un partage de l’autorité parentale entre quatre adultes, un couple d’hommes et un couple de femmes. Deux enfants sont concernés. L’un est l’enfant de l’un des hommes et de l’une des femmes. L’autre est l’enfant des deux autres.
Ce jugement a fait grand bruit : que dit-il exactement ?
La délégation-partage de l’autorité parentale est prévue par la loi et consiste à associer un tiers à l’autorité parentale, sans la retirer aux parents. Mais cette mesure doit être justifiée par les besoins de l’éducation de l’enfant (Article 377-1du code civil) car il s’agit d’une décision grave, qui peut être source de confusion et même de souffrance pour l’enfant et n’est donc justifiée qu’en cas de nécessité.
Dans le cas présent, il semble que le juge s’est fondé sur le seul projet des adultes sans caractériser en quoi les besoins de l’éducation des enfants justifiaient de partager l’autorité parentale avec non pas 1 mais 2 tiers, chaque enfant se retrouvant avec 4 titulaires de l’autorité parentale à son égard.
Cette décision serait alors contraire à la loi.
Elle est aussi contraire à l’intérêt de l’enfant qui a besoin que les rôles soient identifiés autour de lui. Ce n’est pas facile pour un enfant d’accepter l’autorité d’un tiers non parent, et si l’opération vise à indifférencier les adultes parents ou non, alors elle est source de confusion et pourrait même être vécue par les enfants comme une démission de leur statut par les parents, comme une forme d’abandon sous prétexte de les faire entrer dans ce schéma construit entre adultes.
Et que va devenir cet arrangement en cas de séparation de ces deux couples?
Est-ce que les deux enfants vont être en résidence alternée non seulement chez leur père et chez leur mère, mais aussi chez ces tiers investis de l’autorité parentale ?
Déjà, entre les deux parents, l’enfant peut se trouver au cœur de désaccords voire de conflits d’autorité. Que dire lorsque l’autorité parentale est exercée par 4 personnes ?
L’autorité parentale n’est pas un faire-valoir pour des adultes, un moyen de se donner un statut auprès de l’enfant.
Par ailleurs, cette décision ne reconnaît pas 4 parents à l’enfant, mais elle marque un pas vers la pluriparenté.
Elle s’inscrit dans un mouvement qui fait prévaloir le désir, le projet, la volonté des adultes sur la réalité charnelle de la procréation, la filiation se trouvant détachée de la référence à l’engendrement de l’enfant.
Mais c’est la référence à l’engendrement de l’enfant qui impose les parents au nombre de 2. Une fois la filiation déconnectée de cette réalité charnelle pour se fonder sur la seule volonté des adultes, alors le nombre de candidats à la parenté est sans limite.
Le propos, une fois de plus, n’est ni de se décourager, ni de se résigner : la solution est toujours la même. Revenir au réel, raccrocher les relations sociales à la réalité et non à ce mirage des désirs d’une volonté sans limite.
Les parents n’ont de sens qu’au nombre de deux : à 3, ou 4, ou bien ce ne sont pas des parents, ou bien le mot parents change de sens, ce qui revient au même.
A la semaine prochaine.
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