(Article paru le 15 février 2022 sur le site www.village-justice.com )
Le SSI propose depuis mars 2021 un ensemble de recommandations et propositions d’encadrement de la maternité de substitution, sous le titre : « Les principes de Vérone pour la protection des enfants nés par recours à la maternité de substitution ».
Le Service Social International, dit SSI, est une ONG fondée en 1924 dont l’objet est de soutenir les enfants et les familles qui ont des problèmes sociaux complexes, notamment liés à la migration. Les situations des enfants sont évaluées sur le terrain, et des actions sont menées pour leur porter aide et assistance. Au vu de ses observations et aides apportées aux enfants, cette ONG s’efforce, selon ses propres termes, « d’inspirer les décideurs politiques et d’orienter des réformes législatives, politiques et pratiques ».
En 2013, le SSI a lancé une étude sur le cas des enfants issus de maternité de substitution (MS) dans le cadre de laquelle des enquêtes et consultations d’experts ont été menées. A partir de 2016, des réunions ont été organisées à Vérone, Zurich, Genève et autres afin de recueillir des avis et de définir des normes de bonne conduite en matière de maternité de substitution (MS).
Ces travaux ont abouti à un rapport constitué d’un ensemble de recommandations et propositions d’encadrement ; il a été rendu public en mars 2021 sous le titre : « Les principes de Vérone pour la protection des enfants nés par recours à la maternité de substitution ».
Les Principes se présentent comme un outil à l’usage de toute personne privée et tout organisme impliqués dans le processus de MS. Ils s’adressent aussi aux États en distinguant d’une part ceux qui autorisent la MS et d’autre part ceux qui l’interdisent et/ou ceux qui, sans l’autoriser, y sont confrontés.
Le rapport contient 18 principes ainsi intitulés :
1 Dignité humaine
2 L’enfant en tant que titulaire de droits indépendant
3 Le droit de l’enfant à la non-discrimination
4 Le droit de l’enfant à la santé
5 Protections de la pré-gestation pour autrui
6 Intérêt supérieur de l’enfant
7 Consentement de la mère porteuse
8 Consentement du ou des parents d’intention
9 Consentement des personnes fournissant le matériel reproductif humain
10 Filiation juridique et responsabilité parentale
11 Protection de l’identité et accès aux origines
12 Déclaration de naissance, enregistrement et certification
13 Prévention de l’apatridie
14 Prévention et interdiction de la vente, de l’exploitation et de la traite des enfants
15 Transparence en matière financière
16 Intermédiaires
17 Répondre aux évolutions inattendues des accords de maternité de substitution
18 Coopération entre États, régions et collectivités locales
L’objectif de tous ces principes est d’assurer le respect des droits humains des enfants nés par MS. L’expression n’est pas employée, mais il s’agit bien, en fait, d’un guide des bonnes pratiques de la MS.
Pour les besoins d’une étude simplifiée, nous regrouperons la présentation des principes en quatre thèmes principaux et une analyse générale.
I. Les conditions à remplir par les parties pour la MS, de la conception à l’accouchement.
Un catalogue de nombreuses règles est présenté pour les conditions que doivent remplir les parties, commanditaires, mères porteuses et intermédiaires.
Capacité.
Côté commanditaires (Principe 8), on va s’assurer qu’ils ne se sont pas rendus coupables de rejet d’enfant, qu’ils n’ont pas commis d’actes de maltraitance ; ils devront également fournir une évaluation de leur aptitude psycho-sociale à recueillir l’enfant, réalisée par un praticien indépendant choisi par eux.
Ils devront aussi montrer que, sur la durée, ils sont stables et capables de poursuivre des relations affectives avec les intervenants : mère porteuse et donneurs de gamètes, qu’ils vont être capables de communiquer sur les origines de l’enfant, et aussi d’assumer tous les frais d’assurance et de santé relatifs à la mère porteuse et l’enfant, que la GPA soit altruiste ou commerciale, les deux formes étant envisagées.
Toutes les informations ainsi exigées seront enregistrées par écrit et conservées.
Côté mère porteuse (Principe 7), il s’agit de s’assurer qu’elle est en âge de procréer et au moins majeure, et recommandé qu’elle ait déjà eu au moins un enfant avant de porter celui d’un ou une autre.
Afin de prévenir les risques d’escroquerie, il ne faut pas non plus qu’elle ait d’antécédents judiciaires.
Une enquête médico-psychologique doit être fournie sur sa capacité à mener la grossesse jusqu’à son terme, sur son environnement affectif, et éventuellement l’approbation de son conjoint.
Une enquête de santé est aussi demandée aux fournisseurs de sperme et d’ovocytes afin de pallier aux risques de maladies transmissibles.
Consentements.
La volonté des parents d’intention doit apparaître claire et fiable. Parmi les recommandations exposées (principe N°8), on comprend qu’ils sont « sélectionnés et préparés ». Ils doivent aussi être en âge d’exercer des responsabilités parentales jusqu’à la capacité d’indépendance de l’enfant. Après l’enquête médico-psychologique à laquelle ils se sont soumis, ils vont exprimer par écrit qu’ils ont bien conscience des responsabilités auxquelles ils s’engagent.
Les volontés des donneurs de gamètes, dénommés « personnes fournissant le matériel reproductif humain », doivent être « conscientes et éclairées ». Elles sont consignées par écrit. Les donneurs doivent d’une part justifier qu’ils sont informés des complications médicales possibles pour eux, et d’autre part écrire qu’ils savent que les informations les concernant peuvent être fournies au corps médical ainsi qu’aux enfants à naître susceptibles de rechercher leurs origines.
Mais c’est surtout sur la qualité du consentement de la mère porteuse que les principes sont le plus détaillés. Notamment la mère porteuse doit recevoir toutes les informations « expliquées et fournies par écrit dans sa propre langue, et présentées d’une manière qu’elle comprend » (Principe 7.3), expression pudique pour décrire le cas où elle ne sait ni lire ni écrire.
Et aussi, le consentement de la mère porteuse doit être continu, c’est-à-dire qu’elle doit être en capacité, du début de la grossesse jusqu’à la remise de l’enfant, d’exercer son auto-détermination, c’est-à-dire son droit à garder le contrôle de son propre corps : droit aux soins, mais aussi droit de demander à les restreindre, ce qui suppose sans doute le droit à refuser d’avorter. Elle doit par ailleurs pouvoir conserver le contrôle des contraintes qui lui seront imposées pendant le cours de la grossesse (sorties, nourriture, sexualité), droit de choisir les modalités de son accouchement, en clair : césarienne ou pas.
Le consentement de la mère porteuse à remettre l’enfant aux parents d’intention est si important que les Principes prévoient qu’il doit être réitéré après l’accouchement, en laissant à la mère une « période de réflexion appropriée ».
Sa décision doit être exprimée devant un tribunal ou une autorité compétente si elle est titulaire de l’autorité parentale à la naissance (parent légal) (Principe 10.4).
Si, en revanche, la loi du lieu de naissance ne la rend pas parent légal de l’enfant dont elle accouche, elle confirmera seulement sans forme son renoncement à tout droit sur l’enfant, à condition toutefois d’avoir eu préalablement la possibilité de demander conseil à « un tiers neutre » (Principe 10.5).
Ainsi, pour résumer et anticiper ce qui va suivre, à chaque étape du processus, les consentements doivent être parfaitement libres et éclairés, et tout peut être remis en cause jusqu’à la fin si le consentement fait défaut.
Compensations financières.
Il est admis par les principes que la MS puisse être commerciale ou altruiste, mais sous la condition majeure que ce qui est dénommé « paiements des services » d’un côté, ou « remboursements de frais » de l’autre, ne soit pas dissociable de la gestation, c’est-à-dire qu’ils débutent dès les premières contraintes de l’implantation de l’embryon au sein de la mère porteuse.
C’est la clé de la MS encadrée, les paiements ou remboursements à la mère porteuse doivent être versés en cours de gestation et non pas seulement à la fin, au moment de la remise de l’enfant.
Les Principes énoncent que la maternité de substitution est considérée comme vente ou traite d’enfant, lorsque notamment la mère porteuse est payée uniquement au moment de « l’échange » après l’accouchement, par un paiement non réglementé : un enfant contre de l’argent.
Tous les paiements doivent être distincts et indépendants de la décision de la mère porteuse (qui se trouve en général être aussi la mère légale selon la loi du pays de l’accouchement) ou du transfert de l’enfant, c’est-à-dire de la remise aux parents d’intention(Principe 14.7 b) :
« Toute rémunération ou toute autre contrepartie fournie à la mère porteuse (ou à toute personne en son nom) doit être versée avant tout transfert post natal de la filiation légale et de la responsabilité parentale au(x) parent(s) d’intention ou confirmation post natale du consentement de la mère porteuse, et être non remboursable (fraude absente) ».
Et le corollaire (Principe 14.9) : « Les accords écrits décrivant les intentions des parties quant à la filiation légale et/ou à la responsabilité parentale ne violent pas l’interdiction de vente d’enfants, tant qu’ils sont compris comme non contraignants ».
La fraude existe encore lorsque par exemple les parents d’intention n’ont pas été identifiés avant la conception, et/ou que la mère n’a pas eu le droit de refuser le transfert de l’enfant après l’accouchement.
Pour les mêmes raisons, la GPA « prétendument altruiste » (Principe 14.8) peut tomber sous le coup de la qualification de vente d’enfant.
Aucun tarif n’est avancé, aucun ordre de grandeur, tout au plus est-il mentionné que les États doivent prendre toutes les mesures appropriées pour « empêcher tout gain indu, financier ou autre, lié à la maternité de substitution » (Principe 15.1).
Toutes les dépenses afférentes à la maternité doivent être assumées de A à Z par les commanditaires, les dépenses de santé largement comprises, ainsi que les honoraires des conseillers juridiques et les primes d’assurance.
Les commanditaires doivent justifier leurs capacités financières pour assumer le coût total de la maternité, et aussi être capables d’assumer l’entretien de l’enfant « pendant une période raisonnable », […]
Pour lire la suite :
Pour creuser le sujet :
–la chronique radio d’Olivia Sarton sur la conférence de La Haye et la GPA
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