Publié le 14 Déc, 2021 sur Gènéthique magazine
Le 20 novembre 2021, l’association Juristes pour l’enfance organisait un colloque en partenariat avec Famille et Liberté sur les « questionnements de genre chez les enfants et les adolescents ». Un colloque destiné à répondre à « une attente importante des parents et des professionnels engagés auprès des enfants, d’être informés et éclairés pour adopter une attitude constructive auprès des jeunes confrontés à une souffrance, un mal-être lié à leur genre ». Sans les laisser croire qu’un garçon pourrait être fille et vice versa.
Maires transgenres, artistes, athlètes, miss… La question transgenre semble être apparue brusquement pour envahir la scène médiatique. Sans épargner les enfants (cf. Entre pronom “iel” et télé transgenre pour les 9/12 ans).
Avant les années 2010, la question du transsexualisme était marginale, rappelle Olivia Sarton, directrice scientifique de Juristes pour l’enfance (JPE). Elle touchait cinq à six fois plus souvent les garçons. Après une mue vers le concept de genre et de transidentité, l’approche désormais « trans affirmative » exclut toute approche psychique ou psychiatrique pour soutenir qu’il s’agit d’un ressenti intime légitime qui doit déboucher sur un « choix autodéterminé » de chacun.
Le résultat : la première consultation pour mineurs a ouvert ses portes en France en 2013 et, à présent, environ 700 enfants sont suivis dans ces consultations spécialisées, rien qu’en Ile de France, précise Olivia Sarton. En très grande majorité des filles. Au Royaume-Uni, le nombre d’enfants pris en charge a augmenté de 3264% entre 2009 et 2019. Aux Etats-Unis, quand une étudiante sur 2000 se déclarait « trans » il y a quelques années, elles sont maintenant une sur 20 à le faire.
Un désarroi qui s’exprime autrement
Le phénomène préoccupe. Olivia Sarton décrit la montée des ROGD (Rapid Onset Gender Dysphoria). Des enfants qui n’avaient manifesté aucun trouble et qui, adolescents, se déclarent « trans », quasiment du jour au lendemain.
Pour Christian Flavigny, pédopsychiatre et psychanalyste, et auteur de l’essai Aider les enfants transgenres (cf. Aider les enfants « transgenres » – Christian Flavigny), il est clair que c’est une manière pour ces adolescents de manifester un « désarroi », un « malaise » que les parents doivent les aider à dénouer. D’ailleurs, 62% des jeunes qui se déclarent « trans » souffrent de troubles psychiques, et 48% de troubles traumatiques, indique Olivia Sarton.
Il est nécessaire de donner un sens au corps, explique Christian Flavigny, de l’habiter. Et c’est « un processus complexe qui se joue dans l’identification à la mère ou au père ». Un modèle qui peut ensuite être contesté, mais un appui indispensable. Christian Flavigny dénonce la rhétorique du « je m’identifie comme », autrement dit l’illusion qui consiste à croire que l’on peut se prendre soi-même pour modèle.
Pour certaines auparavant anorexiques, les jeunes filles mal dans leur corps le manifestent différemment aujourd’hui. Exposées à la pornographie parfois très tôt, elles refusent ce corps de femme qui devient le leur. Un « problème politique » pour Anne-Laure Boch car on tend à « rebiologiser les rôles ». Une femme peut-elle endosser n’importe quel rôle tout en restant femme ?
Intervenir sur des corps en parfaite santé ?
Quand de « sociale », la transition devient « médicale », on demande au médecin d’intervenir sur un corps en parfaite santé. Hormonothérapie croisée qui consiste à donner les hormones de l’autre sexe tout en inhibant les hormones naturelles, chirurgie « du haut » et « du bas ». La réalité est crue, les interventions lourdes, avec un résultat souvent décevant. Rita de Roucy, psychologue clinicienne et psychothérapeute témoignera qu’elle accompagne un patient qui en a subi 17.
Et la liste des effets secondaires est longue, détaille le Dr Anne-Laure Boch, neurochirurgien à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière : ostéoporose, risques cardio-vasculaires, dépression, stérilité, pour n’en citer que quelques-uns. Le risque de développer des cancers hormono-induits n’est pas non plus à négliger. Le jeu en vaut-il la chandelle ? D’autant que la « transition » ne restera qu’apparente. Le génome du patient restera celui de sa naissance : 46XX ou 46XY.
Aux enfants pris en charge, on peut prescrire des bloqueurs de puberté dès 10 ou 12 ans. Pour « faire une pause ». Mais en pratique, certains changements sont irréversibles explique Anne-Laure Boch, en termes de maturation sexuelle, osseuse, cérébrale… et émotionnelle. Avec le risque que l’enfant reste enfant. Et la « pause » n’en est pas vraiment une. Dans 95% à 98% des cas, la prise de bloqueurs de puberté se poursuivra par la chirurgie.
En France, beaucoup pensent que la chirurgie est interdite avant 18 ans. Mais des mastectomies ont néanmoins été pratiquées sur des jeunes filles de 14 ans. Ce qui interroge pour le moins quand on sait que les tatouages sont interdits aux mineurs de moins de 16 ans. Face à la souffrance, et parfois à un chantage au suicide, il peut être difficile pour le médecin de dire non. D’autant plus que les associations militantes sont très implantées dans les services concernés, ce qui pousse certains médecins à les quitter.
Et alors que les militants de l’approche « trans affirmative » récusent l’idée de pathologie, ces traitements sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale, au titre des affections longue durée. Le marché des chirurgies de « réassignation » est estimé à 1,5 milliard de dollars en 2026 selon une étude, précise Olivia Sarton, avec des moyens détaillés pour le faire croître encore (cf. Changement de sexe chez les enfants : « un des plus grands scandales sanitaire et éthique »).
L’intrusion de la question du genre à l’école
Au mois de septembre dernier, le ministère de l’Education nationale a publié une circulaire « pour une meilleure prise en compte des questions relatives à l’identité de genre en milieu scolaire ». Les enfants pourront demander à ce que le prénom de leur carte de cantine soit modifié pour être « conforme à leur identité de genre », ou encore à utiliser les toilettes, vestiaires ou dortoirs qu’ils souhaitent expliquent Sabine le Conte juriste, et Jérôme Brunet consultant (cf. Genre à l’école : la circulaire du Ministère prend le parti de l’« autodétermination »).
Intervenant en milieu scolaire, Inès de Franclieu, déléguée générale de l’association Com’ je t’aime et conseillère familiale, témoigne : il y a quelques années, quand on demandait aux enfants ce qui fait la différence entre les filles et les garçons, les élèves restaient muets, tellement cette différence leur paraissait évidente. Ils ne se posaient pas la question. Mais depuis deux ans environ, il n’existe pas d’établissement dans lequel elle se rend où elle ne rencontre au moins une jeune fille se déclarant garçon.
Il faut y prendre garde car la « transition sociale » n’est pas neutre. Si le fait de demander à sa famille d’être appelé par un autre prénom peut rester sans conséquence, il n’en est pas de même quand les professeurs, les camarades d’école s’y plient. Car une fois « publiques » les transitions dites « sociales » se poursuivent par une transition médicale. Ce qu’un documentaire suédois a appelé le « Trans Train ».
Ce que dit la loi
A la naissance, le sexe du nouveau-né est constaté et inscrit sur l’acte de naissance. Constaté, pas assigné, souligne Aude Mirkovic, directrice juridique et porte-parole de JPE. Depuis 2016, en France, il est possible de changer de sexe à l’état civil sans pour autant subir un traitement médical. Aucune limite au nombre de changements n’est établie par la loi. Mais est-ce le rôle de l’état civil de relayer un ressenti intime ?, interroge Aude Mirkovic.
Par ailleurs, seules les personnes majeures ou les mineurs émancipés peuvent demander un tel changement. Ce que l’état civil ne permet pas, pourquoi l’école devrait-elle l’entériner ?
Aude Mirkovic prévoit des procès en nombre d’ici quelques années par des enfants devenus adultes et regrettant leur « transition ». Car ni les parents, ni (et encore moins) le médecin, ne pourront s’abriter derrière un prétendu consentement du mineur. Un statut qui vise à le protéger en transférant à des personnes responsables les décisions importantes qui le concernent, notamment en matière de santé. Le consentement est bel et bien donné par les parents, celui du mineur est seulement « recherché », quand c’est possible, précise-t-elle.
« Accepter une prétendue autodétermination de l’enfant revient en réalité, même si ce n’est pas l’objectif bien sûr, à l’abandonner à son désarroi qui est un appel au secours », pointe Aude Mirkovic. « Les adultes, à commencer par les parents, qui veulent assumer leurs responsabilités à l’égard de l’enfant doivent accepter d’aller parfois à rebours d’une demande de l’enfant dont ce dernier ne peut mesurer les conséquences et qu’il regrettera d’ailleurs peut-être plus tard », insiste-t-elle. A ce titre, elle dénonce la proposition de loi visant à interdire les thérapies de conversion qui, en intégrant une disposition condamnant les propos « visant à réprimer ou modifier l’identité de genre » empêchera d’accompagner le jeune pour surmonter ce désarroi (cf. « Thérapies de conversion » : un nouveau délit et une définition élargie ?).
D’ailleurs les procès ont commencé à l’étranger, certains pays étant « en avance ». Ainsi, la britannique Keira Bell a entrepris de poursuivre le Tavistock trust où elle a été traitée (cf. Royaume-Uni : une jeune femme poursuit la clinique où elle a subi une « transition de genre »). Regrettant la « transition » subie alors qu’elle n’était qu’adolescente, elle se dit maintenant « coincée entre deux sexes ».
Proposer une autre voie
Face à ces jeunes déboussolés, il est indispensable d’ouvrir une autre voie. Car « la société ne relaye via les médias qu’une seule approche, déplore Aude Mirkovic, l’approche affirmative qui revient à prendre acte de l’auto-diagnostic affirmé par le jeune, – je suis trans -, et à accompagner sa démarche de transition sociale, en le désignant dans le genre revendiqué et sous le prénom choisi, puis de transition médicale en accédant à sa demande de transformer son corps au moyen de bloqueurs de puberté, d’hormones et même de mutilation des seins ».
Mais les rails du « Trans train » ne doivent pas être suivis aveuglément. Une attitude constructive passant par « une prise en charge psychothérapeutique du jeune, qui prend le mal-être du jeune au sérieux et en cherche les causes, afin de trouver la manière pour le jeune de se réconcilier avec son corps et, au minimum, d’attendre pour s’engager dans un processus de transition de genre d’avoir la maturité pour réaliser les conséquences de ces actes graves, invasifs et aux conséquences parfois définitives » est aussi possible. Des parents courageux en témoignent.