Alors que le projet de loi de bioéthique a été définitivement adopté par l’Assemblée nationale le 29 juin, faut-il se laisser aller à la déception et à la résignation ?
La « loi » dite de « bioéthique » a finalement été adoptée le 29 juin par l’Assemblée nationale ; les guillemets sont de rigueur car un texte injuste ne mérite pas le nom de loi et que, par ailleurs, ce texte n’est ni bio ni éthique.
La déception, la colère, la tristesse sont légitimes mais, si nous avons hélas perdu cette bataille parlementaire, ne nous laissons pas piéger à perdre la guerre, bien plus cruciale, du courage et de la résistance.
Soyons clairs : notre société relativiste refuse d’admettre la moindre autorité au-dessus de la volonté humaine. Ce « ni Dieu ni maître » est le socle de nos institutions depuis la Révolution française qui a sapé la loi de son fondement, la justice, pour la réduire à « l’expression de la volonté générale », érigeant la volonté humaine en principe de toute chose et, en tout cas, de la loi.
La réalité n’a plus aucune valeur
Quelques générations plus tard, le « je fais ce que je veux » du XVIIIème siècle s’est actualisé en 2021 en « je suis ce que je veux », sur le même postulat que la réalité des choses n’existe pas ou quoiqu’il en soit, n’impose rien dans mon agir ni dans mon être.
Les techno-sciences nous font miroiter de dépasser enfin les dernières limites, celles de notre nature et, par ailleurs, plus personne ne se sent concerné aujourd’hui par une supposée volonté générale : voici le règne des désirs individuels, érigés en droits dès lors que la technologie les rend réalisables.
Mais courage, ce système relativiste est à bout et révèle enfin sa vraie nature : le chaos social et le retour à la loi du plus fort dès lors que la justice est déclassée au profit des volontés subjectives.
Depuis 2013, nous luttons contre la désagrégation du mariage. Nous nous battons maintenant également contre la marchandisation de la procréation et l’implosion de la filiation, à son tour détachée de la réalité charnelle pour reposer sur… une nouvelle fois, la volonté. Nous dénonçons le mirage de fuir la réalité de notre nature sexuée pour sombrer dans les impasses de la fluidité de genre, le danger du refus des limites de notre espèce pour bricoler des mélanges humain/animal, etc.
Accepter les combats futurs sans renoncer sur les combats passés
Visiblement, il faudra plus que quelques années de mobilisation pour rétablir les relations sociales sur la réalité et la justice. Mais c’est pourtant ce que nous sommes en train de réaliser. J’entends certains se résigner : « nous avons perdu hier sur le mariage, aujourd’hui nous perdons sur la PMA, à quoi bon une prochaine bataille contre la GPA ou d’autres calamités ? »
Accepter vaillamment le prochain combat ne signifie en rien qu’on a entériné la désagrégation du mariage, l’implosion de la filiation et le reste car le combat est global : un jour ou l’autre, ce mur idéologique se fissurera et alors tout s’écroulera. Je ne sais pas si le coup décisif sera porté au cœur d’une bataille contre la GPA, à propos de l’avortement qui revient régulièrement ou du mariage qu’une actualité pourrait remettre sur le devant de la scène. Je ne sais pas si ce sera à l’occasion d’un débat parlementaire, d’un fait divers, d’une actualité internationale, de l’examen par l’Assemblée nationale de la proposition de loi visant à définir le terme de parents quand celle-ci aura atteint les 100 000 signatures (l’avez-vous signée ?).
Quelques leviers d’action
Ce qui est certain, c’est qu’à force de pilonner, le mur se fissurera, peut-être beaucoup vite qu’on ne le croit : rien que cette année, on a déjà vu le Tennessee et l’Arkansas interdire les traitements de transition de genre chez les mineurs, suivis en Suède par l’hôpital Karolinska qui les pratiquait jusqu’ici. La Russie inscrit dans sa Constitution la foi en Dieu et le mariage homme/femme, la Hongrie prend des mesures concrètes contre la propagande de l’idéologie du genre et plusieurs pays de l’Est de l’Europe se désolidarisent de ce funeste relativisme que l’Union européenne s’acharne à vouloir imposer.
Nous avons affaire à une idéologie, il faut donc armer les jeunes générations afin qu’elles ne tombent pas à leur tour dans le panneau, fortes du discernement et du courage nécessaires pour résister aux sirènes de ces prétendus progrès qui sont autant de régressions humaines et sociales.
Quelques projets concrets pour cet été ? Écrire aux députés pour les remercier ou leur exprimer notre déception, offrir un livre à un filleul, ne pas esquiver une conversation sur la PMA avec ses enfants, regarder avec eux un film éveillant le goût du beau et du vrai, choisir des activités ancrées dans le réel sans oublier que, en définitive, notre secours est dans le nom du Seigneur. Il a fait le ciel et la terre.
Aude Mirkovic est maître de conférences en droit privé, auteur de plusieurs livres dont En Rouge et Noir (roman), éd. Première partie 2020 et PMA, un enjeu de société, éd. Artège 2018.