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Les enfants viennent-ils au monde pour s’adapter à nos désirs? (tribune A. Mirkovic Figarovox)

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FIGAROVOX/TRIBUNE – L’article 1er du projet de loi bioéthique du gouvernement, ouvrant le droit à la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes, a été validé mardi 8 juin dans la soirée. La porte-parole de l’association Juristes pour l’enfance dénonce une loi injuste, qui privera des enfants de leur filiation.

Le projet de loi bioéthique avec, en mesure « phare », l’extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires et aux couples de femmes, est actuellement en troisième lecture à l’Assemblée nationale. Le texte n’étant pas encore adopté, le Parlement à jusqu’au 29 juin pour protéger les enfants des excès des désirs des adultes et des profits des marchands.

Commençons par rappeler que chacun prend, en matière de procréation, des décisions plus ou moins heureuses mais qui relèvent de sa vie privée. C’est pourquoi, si une femme fait le choix d’avoir un enfant « sans père », elle prend ses responsabilités, elle expliquera le moment venu à son enfant pourquoi il n’a pas de papa et personne ne leur souhaite autre chose que du bien. Cependant, dès lors que la loi est sollicitée pour organiser la conception de cet enfant privé de son père et, surtout, pour inscrire dans le Code civil l’interdiction légale pour cet enfant d’avoir sa filiation paternelle, la question ne relève plus de la vie privée de la femme mais de la loi, chose publique s’il en est puisque la loi est l’affaire de tous et, plus encore, la responsabilité de tous.

Si nous portons des jugements parfois sévères sur telle ou telle époque qui a toléré, dans l’indifférence plus ou moins généralisée, des lois injustes, il serait trop facile de nous laver les mains des injustices de notre temps. Nous serons tous au tribunal de l’histoire car les enfants à venir de ces PMA ne manqueront pas de demander des comptes de leur lignée paternelle ainsi effacée, non en raison des malheurs et aléas de la vie mais par la loi.

Pour relativiser l’injustice de cette privation légale de père, les promoteurs de ce projet veulent compter, avec optimisme, sur la résilience des enfants déclarés parfaitement capables de « s’adapter ».

Mais a-t-on bien mesuré ce à quoi les enfants à venir de ces PMA vont devoir « s’adapter »?

Ils vont devoir s’adapter tout d’abord aux désordres médicaux liés aux manipulations technologiques subies dans les processus de fécondation in vitro notamment : risque de malformation cardiaque[1] et risque d’autisme[2] multipliés par 2, risque de cancers infantiles 2,43 fois plus élevé[3], risque de mort avant le 1er anniversaire augmenté de 45% [4].

Deux études viennent d’être publiées dans la revue Cambridge University Press[5], qui indiquent chez les adultes conçus avec tiers donneur une santé mentale dégradée, des problèmes de formation de l’identité, des attaques de panique, plus de stress et plus d’adictions. Ces troubles n’étaient pas identifiés pendant l’enfance et se sont développés à l’âge adulte, et c’est pourquoi il serait trop simpliste de se contenter d’un « les enfants vont bien » : les enfants en question vont grandir, avec des questionnements liés à leur conception par donneur et leur vie d’adulte en sera impactée. Les difficultés révélées par ces études apparaissaient d’ailleurs déjà en filigrane dans les témoignages poignants de ces jeunes qui réalisent qu’ils ont été conçus de donneurs décédés, de jeunes hantés par l’existence connue ou non de demi-frères et sœurs dans la nature, de ceux qui se disent amputés d’une part d’eux-mêmes etc.

Les enfants à venir de ces PMA devront encore s’adapter à la souffrance résultant de la privation de leur père, car l’amour promis, même s’il est réel, ne remplacera pas le père évincé. Une jeune femme de 23 ans, Kianni Arroyo, élevée par ses deux mamans, témoigne dans la presse britannique combien son père lui a manqué, alors qu’elle est par ailleurs satisfaite de son enfance : «J’avais l’habitude de faire des cartes de fête des pères pour mon donneur parce que je n’avais pas de père. Je n’ai jamais rien fait avec ces cartes ». Elle a depuis rencontré son donneur et « s’est rendu compte de tout ce qu’elle avait hérité de lui ». Lancée dans la recherche de ses frères et sœurs, elle organise avec eux le mois prochain « une réunion de famille »[6]. Comment ignorer plus longtemps cette évidence que les liens du sang ne sont pas anodins et ne peuvent être écartés à la légère ?

On relativise encore la situation en invoquant la baguette magique, la levée de l’anonymat du donneur à la demande de l’enfant devenu majeur. Mais qui peut sérieusement croire que la levée de l’anonymat du donneur serait en mesure de tout réparer ?

Le jeune, voudra-t-il rencontrer son donneur ? Ce dernier sera-t-il disponible ? Voudra-t-il remercier le donneur, lui faire des reproches, lui demander de l’argent, de l’affection, un héritage, une filiation ? L’accès à l’identité du donneur, une éventuelle rencontre avec lui apporteront on l’espère des réponses à certains questionnements. Mais il ne faut pas être naïf : la levée de l’anonymat emportera aussi son lot de déceptions, de nouvelles frustrations, de souffrances supplémentaires.

Le Parlement va-t-il encore balayer ces souffrances en sommant une nouvelle fois ces jeunes de « s’adapter » ?

Le rôle de la loi n’est-il pas de rechercher la justice, qui commence par la défense de celui qui ne peut se défendre lui-même?

Bien que la PMA fasse de lui « le produit de technologies scientifiques »[7], selon les mots du Conseil d’État, l’enfant est un être humain à part entière et non un être convié à la vie pour s’adapter aux désirs d’autrui. Il est encore possible de réorienter la loi vers la prudence, le principe de précaution qui interdit de faire peser sur les générations futures le poids de choix individualistes et égoïstes.

Il est encore temps de dire NON à la loi de bioéthique.

[1] https://medicalxpress.com/news/2020-02-ivf-twins-hearts-quadruple.html [2] “Key Findings: Use of assisted reproductive technology and risk of birth defects” : https://www.cdc.gov/art/key-findings/birth-defects.html et “Key Findings: The association between assisted reproductive technology and autism spectrum disorder” : https://www.cdc.gov/ncbddd/autism/features/artandasd.html [3] “Association between Fertility Treatment and Cancer Risk in Children” : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/31821431/ [4] Mortality from infancy to adolescence in singleton children conceived from assisted reproductive techniques versus naturally conceived singletons in Sweden” : https://www.fertstert.org/article/S0015-0282(19)32488-4/fulltext [5] https://www.physiciansweekly.com/self-reported-mental-health-status-of-donor-sperm-conceived-adults/ https://www.cambridge.org/core/journals/journal-of-developmental-origins-of-health-and-disease/article/abs/selfreported-physical-health-status-of-donor-spermconceived-adults/92D06B125AB27F0537FA26DF3BDC8418 [6] https://www.mirror.co.uk/news/real-life-stories/woman-conceived-via-sperm-donor-24235807 [7] Rapport « Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ? », 28 juin 2018, p. 44. https://www.lefigaro.fr/vox/societe/aude-mirkovic-les-enfants-viennent-ils-au-monde-pour-s-adapter-a-nos-desirs-20210609

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