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Instruction à domicile : avis du Conseil d’Etat du 3 décembre 2020

Table des matières

Un avis décevant et peu cohérent

Le projet de loi « confortant les principes républicains » a fait l’objet d’un examen par le Conseil d’Etat qui a rendu un avis le 3 décembre 2020.

La haute juridiction a tout d’abord rappelé que : « Les mesures du projet concernent pratiquement tous les droits et libertés publiques constitutionnellement et conventionnellement garantis, et les plus éminents d’entre eux (…) liberté de conscience et de culte, (…) liberté d’expression, d’opinion (…), liberté de l’enseignement, (…) liberté d’entreprendre, liberté contractuelle ».

Le Conseil d’Etat a examiné les dispositions du projet de loi au regard des orientations et exigences suivantes.

S’il admet que certaines restrictions puissent être apportées ponctuellement, et dans une mesure limitée, à ces droits et libertés, dès lors qu’elles sont strictement nécessaires pour prévenir, limiter ou faire cesser des agissements et des phénomènes de la nature de ceux relevés au point 7[1], le Conseil d’Etat considère que la meilleure réponse à apporter à ces derniers réside d’abord dans la défense et l’affirmation de ces droits et libertés » (§9).

Le Conseil d’Etat a ensuite reconnu que le projet de loi restreignait « la liberté des parents de choisir pour leurs enfants un mode d’instruction, en le limitant au choix entre des établissements ou écoles publics ou privés » et que cette réforme marquait une rupture avec les évolutions de la législation jusqu’à ce jour(§58).

Estimant que cette réforme ne paraissait pas rencontrer d’obstacle conventionnel, il a jugé qu’elle soulevait en revanche de délicates questions de conformité à la Constitution(§61).

Le Conseil s’est demandé « si le droit pour les parents de recourir à une instruction des enfants au sein de la famille, institué par la loi du 18 mars 1882 et constamment réaffirmé et appliqué depuis, ne relève pas d’un principe fondamental reconnu par les lois de la République, autonome ou inclus dans la liberté de l’enseignement ». Il a relevé l’absence de décision spécifique sur ce point du Conseil Constitutionnel et a rappelé sa propre décision du 19 juillet 2017 Association Les Enfants d’abord et autres, n°406150 dans lequel il avait jugé que le principe de la liberté de l’enseignement impliquait le droit pour les parents de choisir pour leurs enfants des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille.

Il a ensuite précisé que la suppression du droit de choisir d’instruire un enfant au sein de la famille qui restreint une liberté de longue date reconnue par la loi aux parents, même si elle n’a jamais été utilisée que par une petite minorité d’entre eux, doit être appréciée au regard de sa nécessité, de son adéquation et de sa proportionnalité au regard des difficultés rencontrées et de l’objectif poursuivi.

Examinant les arguments exposés par le Gouvernement (nécessité d’assurer l’instruction complète et effective de l’enfant et sa sociabilisation, augmentation sensible du nombre d’enfants concernés entraînant des difficultés de mise en place des contrôles par les services académiques, carences de l’instruction dispensée en famille révélées par les contrôles, dérives dans l’utilisation par les parents de ce mode d’instruction), le CE a relevé que ces arguments n’étaient pas appuyés par des éléments fiables et documentés.

Il a estimé que dans ces conditions le projet du Gouvernement ne répondait pas à la condition de proportionnalité ou à celle d’une conciliation non déséquilibrée entre les exigences constitutionnelles et conventionnelles en présence.

Mais de façon étonnante, il a poursuivi en indiquant que pour autant le législateur pouvait faire le choix d’un nouveau resserrement, de façon notamment à empêcher que le droit de choisir l’instruction en famille ne soit utilisé pour des raisons propres aux parents qui ne correspondraient pas à l’intérêt supérieur de l’enfant et à son droit à l’instruction.

Et il a proposé en conséquence de retenir une rédaction énonçant dans la loi les cas dans lesquelles il serait possible de recourir à l’IEF. Et en maniant avec une habilité parfaitement consommée la langue de bois, il a préconisé d’ajouter un motif ainsi libellé « l’existence d’une situation particulière de l’enfant, sous réserve alors que les personnes qui en sont responsables justifient de leur capacité à assurer l’instruction en famille », en précisant que ce dernier motif préserve une possibilité de choix éducatif des parents, mais tiré de considérations propres à l’enfant.

Ce faisant, il a donc laissé libre champ au projet gouvernemental.

[1]Phénomène de repli communautaire, de prosélytisme et d’affirmation identitaires et fondamentalistes

Lien vers l’avis du CE du 3 décembre 2020

Lien vers le projet de loi confortant le respect des principes de la République 3649 du 9 décembre 2020

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