Business, pressions politiques, risques pour la santé… Dans son livre PMA : ce qu’on ne vous dit pas (ed. Téqui), Olivia Sarton, directrice scientifique de l’association Juristes pour l’enfance, révèle la face obscure de la fécondation in vitro et de ses dérivés.
Propos recueillis par Antoine Pasquier, Famille chrétienne, le 25 juin 2020
Une grande partie de votre ouvrage est consacré au « gigantesque marché de la PMA ». Que représente-t-il aujourd’hui en France et dans le monde ?
Selon une étude réalisée par McDermott, Will, and Emery, un cabinet d’avocats de premier plan, le marché mondial des services de fertilité – qui recouvrent aussi bien la PMA, la conservation des gamètes que la GPA… – devrait atteindre les 31 milliards de dollars en 2023, soit deux fois plus qu’en 2016 (environ 17 milliards de dollars).
En France, le poids des actes liés à la PMA, sur la totalité de ceux pris en charge par la Sécurité sociale, a été chiffré par la Cour des comptes en 2019, mais pour l’année 2016, à 295 millions d’euros. Depuis, on peut penser que ce chiffre frôle les 350 millions d’euros. Notre législation, encore assez contraignante, explique que ce marché soit encore très restreint en France par rapport à d’autres pays. C’est pour cela que les acteurs de ce marché, qui s’annonce extrêmement lucratif, veulent déverrouiller la législation française pour pouvoir y accéder librement.
Il n’existe pas de cliniques de fertilité en France comme en Espagne ou aux États-Unis. La privatisation de la PMA n’est pas pour demain…
Détrompez-vous. En France, 50% des actes de PMA sont réalisés dans des cliniques privées. Or, on assiste depuis quelques années à un mouvement de fond de rachat de ces cliniques privées par des fonds d’investissement étrangers. On voit arriver des acteurs australiens, suédois, britanniques… Ces fonds n’investissent pas uniquement dans les services de fécondation in vitro, mais maintenant qu’ils constatent que ce secteur est rentable, ils dotent les cliniques d’équipements dernier cri. Cette stratégie vise à développer leur clientèle. Comme la PMA a des taux de réussite très faibles, un couple qui entre dans un parcours de FIV va vouloir mettre toutes les chances de son côté ; et s’il voit que telle clinique a acheté le dernier embryoscope à la pointe, il va logiquement se tourner vers elle pour majorer ses chances de succès. D’autant qu’en France les couples ne sont pas limités financièrement dans le choix de l’établissement de santé puisque l’Assurance maladie rembourse à 100% les actes liées à la PMA.
Cette présence accrue des fonds d’investissement en France devient un facteur commun avec le marché mondial où les chaines de cliniques de fertilité sont majoritairement détenues par des grands groupes privés. Récemment par exemple, le groupe Ramsay Santé, propriété pour moitié d’un fonds étranger et pour l’autre d’une filiale du Crédit Agricole, a commencé à racheter des cliniques très à la pointe dans le secteur de la fertilité (fin avril, le groupe a transféré 2 000 embryons humains cryogénisés de la clinique du Mail à La Rochelle vers sa clinique de l’Atlantique, NDLR).
On pourrait donc imaginer à court ou moyen terme l’émergence d’un véritable business procréatif ?
Ce n’est pas possible en France actuellement. Mais comme le disait un député durant les discussions du projet de loi de bioéthique, il faut y aller « step by step », étape par étape. En première lecture, l’Assemblée avait par exemple proposé que des opérateurs privés puissent posséder des banques de gamètes et d’embryons, alors qu’aujourd’hui cette possibilité est uniquement réservée à des acteurs publics ou des privés à but non lucratif. Cette proposition a été rejetée par le Sénat mais risque de revenir lors de la seconde lecture par les députés, la semaine prochaine. Les acteurs privés à but lucratif se préparent déjà pour investir ce marché très juteux.
Au point de faire pression sur les débats législatifs ?
Je ne crois pas du tout que le gouvernement ait inscrit la seconde lecture du projet de loi de bioéthique dès cet été pour satisfaire des objectifs sociétaux ou contenter une partie des Français. S’il y a une pression si forte pour faire aboutir ce texte de loi, c’est en raison des acteurs financiers qui poussent pour libéraliser le marché de la procréation en France et ainsi convoiter les milliards de dollars générés par ce business.
L’État a-t-il conscience de cette pression ?
Je ne vois pas comment le gouvernement ou les parlementaires pourraient affirmer qu’ils ne sont pas informés des pressions exercées par ce marché. En janvier dernier, un sénateur avait d’ailleurs justifié la légalisation de la GPA car elle était la première source de revenus des cliniques de Thessalonique (Grèce), là où se rendent un très grand nombre de Français. Nos dirigeants ont parfaitement conscience des enjeux financiers qu’il y a derrière ce projet de loi. Cela ne fait aucun doute.
Du point de vue de la santé, vous énumérez dans votre livre un grand nombre de dangers liés à la PMA. Quels sont-ils ?
La PMA cause des troubles pour les enfants, pour les femmes qui entament un parcours de PMA et pour les donneuses d’ovocytes. Pour les premiers, les études réalisées en Suède, en Grande-Bretagne, en Australie ou encore aux États-Unis évoquent des risques de malformations congénitales non chromosomiques plus importantes, des risques de cancer, de décès prématurés, de malformations cardiaques, du diabète… Ces études menées sur vingt ou trente ans portent sur des centaines de milliers d’enfants. Il est difficile de les remettre en cause !
Pour les femmes, les embryons congelés donnent des bébés plus gros et majorent donc le risque d’éclampsie de la mère. On sait aussi que les traitements hormonaux employés pour les ponctions ovocytaires ont des conséquences néfastes sur la santé physique des femmes. Sans oublier l’épreuve psychologique que représente un parcours de PMA pour la femme comme pour le couple !
On ne parle jamais de ces risques en France. Pourquoi ?
Ces informations ne sont pas données aux couples qui entament un parcours de PMA. En France, il y a une omerta sur les risques liés à la PMA. On n’en parle pas, alors que ces risques sont clairement prouvés et documentés par les études réalisées dans les autres pays. C’est étonnant ! La médecine en France ne veut pas voir cette réalité en face.
Propos recueillis par Antoine Pasquier
Commander le livre d’Olivia Sarton, PMA, ce qu’on ne vous dit pas, Téqui 2020