Sabine Le Conte, référente « école » pour Juristes pour l’enfance
Dans le cadre de la gestion de la crise Covid et du retour à l’école, le site Eduscol de l’éducation nationale a mis en ligne des recommandations pour « informer et accompagner les professionnels de l’éducation » (https://eduscol.education.fr/cid151499/reouverture-des-ecoles.html) dans le processus de reprise des cours.
L’une de ces préconisations est intitulée : « risques de dérives sectaires »[1]. Pourquoi un tel risque ? Selon le ministère, « la crise du Covid-19 fragilise la population et contribue à développer un sentiment de vulnérabilité. La situation exceptionnelle que nous traversons et l’exploitation des peurs et des souffrances qu’elle suscite, sont propices aux risques de dérives sectaires et au renforcement de l’adhésion des adeptes ».
L’éducation nationale invite donc les enseignants à :
· Identifier les changements de comportement des élèves, susceptibles d’être provoqués par des influences familiales ou extérieures.
· Prévenir les risques de déstabilisation des élèves et les comportements irrationnels
· Sensibiliser les élèves aux risques des discours dangereux qui prodiguent de faux remèdes et des conseils dangereux en lien avec le COVID-19.
· Développer l’esprit critique des élèves pour mieux lutter contre la désinformation, les fake news, les rumeurs et les théories complotistes.
Et propose une « conduite à tenir » comme :
· Identifier l’exploitation de la pandémie par les groupes sectaires
· Identifier les élèves en situation de risques de dérives sectaires en portant une attention particulière « aux élèves dont les responsables légaux, adeptes de certaines idéologies ou croyances, sont réticents ou opposés aux recommandations faites en matière de santé publique ».
Face à la constatation de changements de comportements parmi les élèves, il est demandé aux enseignants « d’alerter les services compétents, dans le but de sauvegarder l’intégrité physique et morale du mineur. Pour chacune des situations, le correspondant académique chargé de la prévention des phénomènes sectaires en milieu scolaire doit systématiquement être informé ».
(Ce dispositif est accessible également aux établissements d’enseignements privés)
Suivent un certain nombre de recommandations et de propositions d’outils pédagogiques mis à la disposition des enseignants et des élèves pour un accès à une information objectivesur la crise de Covid 19 (comme l’émission de France inter intitulée « Rumeurs et fausses informations au temps du coronavirus ou une séance d’enseignement moral et civique).
Notre commentaire
Quelle que soit la gravité de la situation sanitaire et les difficultés rencontrées par les enseignants lors du retour à l’école dans ce contexte particulier, ce contexte ne saurait être le prétexte d’atteintes aux principes protecteurs de l’enfant dans le cadre de l’école.
C’est aux parents qui détiennent l’autorité parentale que revient la charge de faire respecter les droits de leurs enfants. Avoir un avis différent de l’enseignant, y compris sur les tenants et aboutissants de la crise sanitaire en cours, n’implique pas pour autant que l’enfant ou sa famille est en danger de « dérives sectaires ». Face au flou entretenu autour de ces notions « dérives sectaires » et « changement de comportements », il est utile de rappeler les droits des enfants à l’école :
– La liberté de conscience, le respect des croyances, des opinionsde votre enfant dans le cadre de l’école doivent être respectés ( ART 14 de la CIDE). Ce principe s’applique à l’enseignement proprement dit, mais également aux autres activités organisées par l’administration au sein des établissements scolaires.
– Le personnel de l’éducation nationale se doit de respecter le principe de neutralité de l’Etatdans les contenus dispensés à l’école.
Un tel climat de suspicion invite les parents à la vigilance : dans le cadre de ces recommandations, il se peut que votre enfant soit l’objet d’un questionnement intrusif et inapproprié, d’une remise en cause infondée de l’éducation reçue à la maison, voire dans des cas extrêmes de harcèlement (violence verbale ou psychologique) de la part d’un enseignant.
Après en avoir parlé en profondeur avec votre enfant, si vous pensez qu’il est victime d’une suspicion voire d’un acharnement, il convient de demander un RDV avec l’enseignant concerné et de signaler les faits si besoin aux responsables hiérarchiques de l’enseignant (rendez-vous avec le proviseur, directeur d’école…). Rappelons que les demandes individuelles d’information ou d’entrevue des parents doivent recevoir une réponse de l’établissement. Une réponse négative est possible mais elle devra toujours être motivée[2].
Si votre enfant fait l’objet d’un signalement de la part d’un enseignant : vous avez le droit d’en être informés, comme de tout ce qui concerne votre enfant dans le cadre scolaire. Comme le dit clairement la circulaire précitée, « le suivi de la scolarité par les parents implique que ceux-ci soient bien informés des résultats et du comportement scolaires de leurs enfants », et « les parents doivent être prévenus rapidement de toute difficulté rencontrée par l’élève, qu’elle soit scolaire ou comportementale ».
Notons que rien n’est prévu sur les suites d’un éventuel signalement d’un enfant… la vigilance n’en est que plus de mise.
[1]https://cache.media.eduscol.education.fr/file/Reprise_deconfinement_Mai2020/69/2/Fiche-Derives-sectaires_1280692.pdf
[2]Circulaire du 25 août 2006 sur le rôle et la place des parents à l’école, I.1.2 Les demandes d’information et d’entrevues présentées par les parents. http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2009/04/cir_324.pdf
Retrouvez plus de précisions sur le rôle des parents à l’école dans les « fiches école » de JPE:
Fiche école n°1 – L’école et le respect dû aux enfants et aux familles
Présentation des fiches écoles