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Le confinement et les bébés GPA (A. Mirkovic, Valeurs actuelles)

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Refonder le droit sur la justice

Depuis le début du confinement, la presse rapporte le désarroi de parents empêchés d’aller récupérer leurs enfants nés par GPA à l’étranger. Une conséquence logique du lent dévoiement du droit, depuis longtemps détaché de sa signification première : la justice, explique Aude Mirkovic, maître de conférences endroit privé et porte-parole de l’association Juristes pour l’enfance.

Valeurs Actuelles du 25/04/2020

Article original sur https://www.valeursactuelles.com/clubvaleurs/societe/le-confinement-et-le-sort-incertain-des-bebes-gpa-118493?fbclid=IwAR135x_0gGAbPhxoYob2HpXzCpqJwjyZ4Vk139eN90x7J98dE06PVoEth-w

Le confinement révèle le marché international de la GPA sous l’angle inédit des clients empêchés de voyager pour récupérer leur commande passée au bout du monde, un enfant : un enfant non réceptionné, au statut incertain et provisoirement l’enfant de personne, car c’est bien cela qu’organise le contrat de GPA pour pouvoir l’attribuer aux commanditaires.

Si la détresse de ces personnes est réelle, sommes-nous interdits de réflexion ? Qui sont donc les victimes, dans ces histoires : ceux qui ont commandé à une femme l’abandon de l’enfant qu’elle a porté, et parfois-même conçu ? Qui ont rendu la maternité de l’enfant illisible, éclatée entre donneuse d’ovocyte, gestatrice et commanditaire, jusqu’à l’effacer pour  certains ? les mêmes qui ont planifié la séparation de l’enfant de la femme l’ayant porté, l’exposant au choc traumatique majeur de la blessure d’abandon ?

Ces dégâts-là, l’enfant les subit à chaque GPA, confinement ou pas, et l’amour promis ne les fait pas disparaître.

Et pourtant, que penser de ces infortunés clients de mères porteuses lointaines : ne seraient-ils pas, eux aussi, des victimes ?

Victimes d’une illusion véhiculée par une société complice : des médias complaisants pour faire gonfler leurs ventes ; des parlementaires rétifs à incriminer le recours à la GPA ; des pouvoirs publics inertes laissant les sociétés étrangères démarcher les Français en toute impunité, sans parler des juges qui valident la GPA comme si de rien n’était.

Victimes surtout d’un lent dévoiement du droit depuis que les « Lumières », sous prétexte d’affranchir l’homme moderne de toute autorité supérieure, ont sapé le droit dans ses fondements en le détachant de sa signification première, la justice, pour faire de la loi « l’expression de la volonté générale » selon les termes de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. Autant dire que la volonté générale (la majorité) peut décider ce qu’elle veut et que cela s’appelle « loi »…

Le vingtième siècle a pris une conscience amère de l’impasse où conduit ce volontarisme réducteur. Il a bien tenté de combler le vide existentiel créé avec des normes supérieures, les fameux Droits de l’homme, supposés assigner des limites à la loi. Mais, quelques générations d’individualisme plus tard, la volonté générale n’intéresse plus personne et seule compte la volonté individuelle, le désir que chacun traduit immédiatement en revendication d’un droit, sous peine de s’autoproclamer… victime.

La blessure est profonde, et la GPA ne fait que révéler la désagrégation du lien social à laquelle conduit la réduction du droit à un produit de la volonté, générale ou individuelle.

Alors comment tisser un lien social fort et solidaire, si ce n’est en refondant le droit sur ce qui est sa raison d’être autant que sa finalité, la justice ? Seule la recherche de solutions justes apparaît en mesure de convaincre les uns de renoncer à leur désir en vue du bien de l’autre, et finalement du bien commun. Pour les derniers récalcitrants, il restera la sanction car la perfection n’est pas de ce monde. Mais en attendant la perfection le droit pourrait, déjà, viser la justice.

 

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