PMA : en marche vers le nouveau monde techno-libéral
Tribune dans le journal Marianne de Jean-Philippe Mallé et Julien Aubert, vice-président et président de l’association « Osons la France » estiment que l’extension de la procréation médicalement assistée et la nouvelle loi bioéthique relèvent d’une logique libérale-libertaire.
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Le projet de loi sur la bioéthique est en discussion au Sénat, après avoir été adopté en première lecture, cet automne, à l’Assemblée nationale. Au nombre des dispositions prévues, la procréation médicalement assistée (PMA) est ouverte aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules, le critère médical d’infertilité étant supprimé et la parité humaine dans la procréation effacée de notre droit. Les sénateurs, représentants de la nation, doivent s’y opposer car, sur le plan médical comme sur le plan juridique, il s’agit d’un profond changement de paradigme et au-delà, d’une véritable rupture anthropologique avec notre civilisation, avec notre humanité.
PMA ET IDÉOLOGIE LIBÉRALE-LIBERTAIRE
Ce texte porte la marque, dans son épure la plus parfaite, de l’idéologie libérale et libertaire qui associe néolibéralisme et progressisme : le déploiement du marché à tous les domaines de la vie va de pair avec l’accomplissement des désirs revendiqués de l’individu. Il convient ici de rappeler que le président de la République est le produit de la fusion, opérée en 2017, confirmée au printemps 2019, des forces sociales et politiques, de droite et de gauche, qui, à des degrés divers, n’ont de cesse, depuis des années, de promouvoir la dérégulation de l’économie et l’extension illimitée des droits individuels.
L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules créé d’autre part de profondes inégalités entre enfants.
Il ne s’agit pas de nier que le désir d’enfant et, parfois, la souffrance de ne pouvoir le combler, puisse être une réalité humaine. Cependant, nul ne peut se prévaloir d’un droit à l’enfant car ce dernier n’est ni une chose ni un bien : l’enfant est un sujet, avec des droits à faire valoir. L’ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules créé d’autre part de profondes inégalités entre enfants : qui ne voit donc la différence essentielle entre les aléas de la vie qui privent un enfant du père et le fait d’instituer originellement cette absence ? Quant à la parité, si souvent invoquée entre l’homme et la femme, elle est ici passée sous silence alors qu’elle est consubstantielle à la procréation et à la filiation !
L’Académie nationale de médecine, dans son rapport sur le projet de loi relatif à la bioéthique, adopté en sa séance du mardi 18 septembre 2019, est sans ambiguïté : « L’Académie nationale de médecine reconnait la légitimité du désir de maternité chez toute femme quelle que soit sa situation mais elle veut souligner que si l’invocation de l’égalité des droits de toute femme devant la procréation est compréhensible, il faut aussi au titre de la même égalité des droits tenir compte du droit de tout enfant à avoir un père et une mère dans la mesure du possible. Sur ce point, il y a donc une rupture volontaire d’égalité entre les enfants. A ce titre, la conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risque pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant. »
Le projet de loi prévoit que, pour un couple de femmes, la filiation se fera par une reconnaissance conjointe anticipée devant notaire, avant le recours à la PMA. Seront inscrits à l’état civil de l’enfant, les termes « mère » et « mère » pour désigner les deux parents : de ce fait, celle des deux qui aura accouché ne sera plus mère en raison de l’accouchement mais en raison de sa volonté de l’être, tout comme l’autre femme. Ainsi donc, ce projet de loi, se détachant de notre humaine condition, faite d’une réalité corporelle et charnelle, institutionnalise le mensonge et met à bas le principe venu du droit romain, « mater semper certa est » (la mère est toujours certaine), selon lequel la femme qui accouche est la mère.
Tout cela est la suite logique de la loi sur le mariage pour tous : cette dimension corporelle et charnelle supprimée, l’amour et l’égalité, désormais sources de la filiation, légitiment l’extension de la PMA aux couples de femmes ainsi qu’aux femmes seules puis la mise en place de la GPA aux couples d’hommes : pourquoi refuser à ces derniers ce que l’on accorde aux couples de femmes et aux femmes seules ?
FOURNISSEURS DE MATIÈRES PREMIÈRES
Sans attendre la GPA, stade ultime de la marchandisation du corps humain, l’extension de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules est donc la première étape de l’ouverture du marché du corps humain : les femmes et les hommes y sont des fournisseurs de matières premières pour fabriquer des enfants sur commande et sur mesure.
Le texte proposé par le gouvernement s’inscrit dans le rêve de l’homme augmenté, dans ce transhumanisme qui entend nier la réalité d’une condition humaine faite de limites et de précarités
Au fond, ce projet de loi ne donne satisfaction qu’à une minorité militante et activiste, aux dépens d’une vision commune et partagée de l’Homme ; il participe de la déconstruction de notre société, de sa fragmentation, de son individualisation croissante : à ce titre, il doit donc être combattu par tout élu et tout citoyen de bon sens attaché à cette décence commune chère à George Orwell. Il y a plus : le texte proposé par le gouvernement s’inscrit dans le rêve de l’homme augmenté, dans ce transhumanisme qui entend nier la réalité d’une condition humaine faite de limites et de précarités.
A l’heure où l’écologie et les concepts qui en découlent (précaution, limites, enracinements etc.) sont invoqués si souvent, le projet de loi relatif à la bioéthique fait l’impasse sur une écologie de l’être humain, qui soit incarnée, prise dans son corps charnel : nous n’en sommes pas étonnés, tant il relève d’une vision abstraite de l’homme, individualiste, consumériste et utilitariste. Nous formons le souhait que puisse émerger, dans les temps qui viennent, une écologie humaine, donc une écologie intégrale vraiment respectueuse de la vie dans toutes ses dimensions, y compris de ses fragilités qui, souvent, vont de pair avec ses beautés.