Invitée du Grand Jury RTL – Le Monde, la ministre des Solidarité et de la Santé a signé 3 « infox », néologisme de la commission d’enrichissement de la langue française forgé à partir des mots « information » et « intoxication ».
1. L’évolution de l’encadrement de la PMA n’est pas une promesse de la campagne présidentielle d’Emmanuel Macron.
2. Une telle évolution n’est pas encouragée par le Conseil d’Etat ni par le Comité Consultatif National d’Ethique.
3. Cette mesure n’est pas soutenue par les parlementaires. Aucun des 2 rapports de l’OPECST (Office Parlementaire de l’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) n’est encore publié, ni les conclusions de la mission d’information parlementaire dont les auditions se poursuivent.
Par ses déclarations surprenantes, Agnès Buzyn semble défier le Président de la République et le Premier Ministre en voulant leur forcer la main, loin de leur volonté partagée d’une approche apaisée d’un sujet sensible qui divise en profondeur la société.
Au cours de la campagne pour l’élection présidentielle de 2017, Emmanuel Macron s’était déclaré favorable « à titre personnel » à une évolution des règles encadrant l’accès à la PMA. Mais cette mesure ne figurait pas dans son programme présidentiel. Sur ce sujet de la PMA, Emmanuel Macron a toujours pris le soin de conditionner tout projet législatif à l’existence préalable d’un large consensus. C’est le sens des propos qu’il a tenu dans les colonnes de Têtu le 24 avril 2017 : « je souhaite qu’il y ait un vrai débat de société : si un tel débat aboutit favorablement, je légaliserai la PMA, mais je ne le porterai pas comme un combat identitaire. »
Contrairement aux propos d’Agnès Buzyn, ce n’est donc pas une promesse de campagne. De tels propos sont d’autant plus étonnants que la Ministre des Solidarités et de la Santé a reconnu il y a un mois (23 septembre 2018) sur France Inter que « La PMA, c’est une bombe si l’on décide d’en faire un combat de société. » C’est précisément ce que souhaitent éviter les Français en demandant le report d’un débat aussi clivant, sensible et polémique. 56% des Français attendent du gouvernement qu’il « reporte ce débat à plus tard pour ne pas diviser inutilement les Français ». Ils sont également une nette majorité à se prononcer en ce sens parmi les sympathisants de LREM (54%), source : Ifop, septembre 2018.
L’encadrement actuel de la PMA est conforme au principe d’égalité : deuxième infox d’Agnès Buzyn : la position du Conseil d’Etat et du CCNE. Dire que les feux sont au vert pour l’évolution de l’encadrement de la PMA est une approche tendancieuse et partisane. Le Conseil d’Etat a rendu un avis le 28 juin, puis une décision le confirmant le 28 septembre, dans lequel il souligne que l’encadrement actuel de la PMA est conforme et respectueux du principe d’égalité et ne pose par conséquent aucun problème de discrimination.
En effet, écrivent les Sages, « les couples formés d’un homme et d’une femme sont, au regard de la procréation, dans une situation différente de celle des couples de personnes de même sexe (…) La différence de traitement, résultant des dispositions critiquées, entre les couples formés d’un homme et d’une femme et les couples de personnes de même sexe est en lien direct avec l’objet de la loi qui l’établit et n’est, ainsi, pas contraire au principe d’égalité. » En outre, dans son rapport relatif à la révision de la loi de bioéthique publié au début de l’été, le Conseil d’Etat affirme que rien n’oblige le législateur à aller dans un sens ou dans l’autre, tout en développant les conséquences d’une modification de l’encadrement de la PMA. Quant au Président du CCNE, il a constaté « l’absence de consensus sur la PMA » à l’issue des Etats généraux de la bioéthique,
Ne pas mépriser les travaux parlementaires en cours en anticipant leurs conclusions : enfin, la Ministre des Solidarités et de la Santé laisse entendre que les parlementaires seraient favorables à la PMA en l’absence de père pour l’enfant. Cette prise de position est choquante à plus d’un titre. Les travaux parlementaires préparatoires à la révision de la loi de bioéthique sont en cours. La mission d’information parlementaire poursuit actuellement ses auditions et son rapport est attendu d’ici la fin de l’année. De son côté, l’OPECST (Office Parlementaire d’Evaluation des Choix Scientifiques et Technologiques) doit rendre prochainement deux avis. Le premier est une analyse de la loi de bioéthique 2011. Selon les premiers éléments qui ont fuité dans la presse, il semble que les membres de l’OPECST confirment l’absence d’évolution scientifique de nature à justifier une évolution de la réglementation actuelle de la PMA. Et l’OPECST laisse entendre qu’en raison de son caractère sociétale, cette question de la PMA n’a pas sa place dans la révision de la loi de bioéthique. L’OPECST doit également publier une analyse des Etats généraux de la bioéthique, lesquels ont montré l’absence de consensus en faveur de la PMA sans père en soulevant de très nombreuses questions humaines et éthiques.
« Par ses propos pour le moins maladroits, Agnès Buzyn laisse entendre que les conclusions des travaux parlementaires sont écrites d’avance et donne une lecture partisane des rapports, avis et déclarations du Conseil d’Etat et du CCNE. Ce faisant, elle donne le sentiment de défier le Président de la République en le poussant à passer en force sur un sujet sensible. Loin des engagements et de la sagesse d’Emmanuel Macron, la méthode d’Agnès Buzyn repose sur de la provocation et du mépris et n’est pas sans rappeler celle utilisée par François Hollande au début de son quinquennat » souligne Ludovine de La Rochère, Présidente de La Manif Pour Tous. « Nous appelons la Ministre des Solidarités et de la Santé à faire preuve de sang-froid et à ne pas en faire un « combat de société″ suivant ses propres termes. Après plusieurs refus, une nouvelle demande de rendez-vous va lui être adressée afin d’aborder ces enjeux de filiation avec la sagesse qu’ils méritent. »
La Manif pour tous