Coup d’arrêt européen à la PMA sans père : deux femmes déclarées irrecevables à
contester la loi française réservant la PMA aux cas d’infertilité pathologique par la Cour
européenne des droits de l’homme
Le 8 février 2018
La Cour européenne des droits de l’homme vient de rendre ce jour sa décision dans l’affaire
Charron and Merle-Montet v. France.
Deux femmes mariées s’étant vues refuser une insémination artificielle par un hôpital
français ont saisi la Cour européenne des droits de l’homme. L’hôpital n’avait fait qu’appliquer la loi française qui ne prévoit la PMA que pour compenser un problème d’infertilité pathologique, médicalement diagnostiquée selon les termes de l’article L 2141-2 du Code de la santé publique.
Elles invoquaient une prétendue atteinte à leur vie privée et une prétendue discrimination
subie par rapport aux couples homme/femme ayant accès à la PMA.
La Cour européenne n’examinera pas leur requête car les intéressées n’ont pas épuisé les voies de recours internes. Mais, en tout état de cause, ni la privée des intéressées ni l’égalité ne sont en cause ici.
Vie privée des femmes ? Les femmes revendiquent leur autonomie à avoir des enfants de la manière qu’elles choisissent : pourtant, dès lors qu’elles sollicitent le législateur, elles cessent d’être
autonomes et le comité d’éthique ne peut que constater l’évidence : ce qui est revendiqué
comme une « libre disposition de soi requiert d’impliquer les autres (corps médical, tiers
donneur, enfants, société) » (CCNE, Avis n° 126 du 15 juin 2017 sur les demandes sociétales
de recours à l’assistance médicale à la procréation (AMP), p. 6).
En effet, les femmes qui invoquent leur prétendue autonomie, en réalité exigent de la société qu’elle leur fournisse du sperme.
Comme le relève encore le comité d’éthique, la liberté des femmes de procréer, ou non, « lorsqu’elle s’exerce dans la sphère privée, que les femmes soient seules ou en couple, n’autorise pas de droit de regard de la société […]. Mais, lorsqu’il est demandé à la société de reconnaître une possibilité d’accès à des techniques médicales jusqu’à présent réservées aux infertilités de nature pathologique, il est de sa responsabilité de mettre en question les intérêts de ces femmes en les confrontant à d’autres intérêts » (avis p. 18). Or, l’organisation légale de l’insémination de femmes seules ou en couples de femmes
priverait, de droit, les enfants concernés de père. Une telle loi, organisant l’effacement du
père, méconnaîtrait les droits de l’enfant garantis par la Convention internationale des droits
de l’enfant selon laquelle l’enfant a, dans la mesure sur possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevé par eux.
Discrimination ? Il faut rappeler que les couples homme/femme n’ont pas droit à la PMA, mais n’y ont accès que s’ils souffrent d’une infertilité médicalement diagnostiquée. Les couples homme/femme fertiles, qui n’ont pas accès à la PMA, ne subissent de ce fait aucune inégalité, pas plus que
les femmes seules ou les couples de femmes.
L’égalité ne signifie pas de traiter tout le monde de la même manière mais seulement ceux
qui sont dans la même situation ou des situations équivalentes. Or, une femme seule ou un
couple de femmes ne sont pas dans une situation équivalente, au regard de la procréation, à
celle d’un couple homme/femme, vivant et en âge de procréer.
C’est pourquoi la Cour européenne des droits de l’homme a déjà validé la loi française sur
la PMA, dans la décision du 15 mars 2012, Gas et Dubois c/ France (n° 25951/07, § 63).
Alors que deux femmes se plaignaient de ce que la loi française réserve la PMA aux cas de
d’infertilité pathologique, la Cour européenne a clairement jugé que la loi française n’était
en rien discriminatoire de ce fait : «si le droit français ne prévoit l’accès à ce dispositif que
pour les couples hétérosexuels, cet accès est également subordonné à l’existence d’un but
thérapeutique, visant notamment à remédier à une infertilité dont le caractère pathologique
a été médicalement constaté ou à éviter la transmission d’une maladie grave. Ainsi, pour
l’essentiel, l’IAD n’est autorisée en France qu’au pro t des couples hétérosexuels infertiles,
situation qui n’est pas comparable à celle des requérantes [couple de femmes]. Il s’ensuit,
pour la Cour, que la législation française concernant l’IAD ne peut être considérée comme
étant à l’origine d’une différence de traitement dont les requérantes seraient victimes ».
L’association Juristes pour l’enfance se réjouit de cette décision d’aujourd’hui par laquelle la
Cour européenne refuse d’examiner une requête en faveur de la PMA sans père : il existe en
effet suffisamment d’enfants privés de père par les malheurs de la vie, ce n’est pas à la loi
d’organiser cette privation et cette souffrance.