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GPA : la CEDH accumule les contradictions

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Le 27 janvier 2015, la cour européenne a condamné l’Italie dans une nouvelle affaire de GPA.

Un couple italien avait obtenu –acheté– un enfant issu d’une GPA en Russie, l’enfant n’étant relié génétiquement à aucun des membres du couple. La justice italienne avait refusé de transcrire le certificat de naissance russe, ordonné l’éloignement de l’enfant de ce couple et qu’il soit placé en vue de son adoption par une famille italienne.  La Cour Européenne des Droits de l’Homme a statué sur la question de la conformité du placement de cet enfant aux dispositions de la Convention Européenne des Droits de l’Homme.

Elle estime que l’éloignement et la mise sous tutelle de l’enfant portent atteinte à la vie familiale existant de fait entre le couple et l’enfant, pendant les 6 mois passés ensemble. En effet, l’éloignement d’un enfant du contexte familial est une mesure extrême qui ne peut se justifier qu’en cas de danger immédiat pour lui, non caractérisé en l’espèce. La Cour condamne ainsi l’Italie à payer 20 000 € au couple commanditaire de la GPA.

Ce raisonnement, appliqué à un rapt d’enfant, permettrait d’en déduire que, dès lors que les voleurs se sont comportés envers l’enfant comme des parents et ont passé du temps avec lui, ne serait-ce que 6 mois, il a pu s’établir entre eux une vie familiale de fait qui interdit de séparer l’enfant de ceux qui l’ont enlevé !

Le respect de la vie familiale de l’enfant qui fonde la condamnation devient ainsi difficile à manier : d’une part, cette vie familiale a été imposée à l’enfant par des personnes l’ayant acheté à une femme russe ; d’autre part, depuis 2013, sa vie familiale est vécue avec une autre famille, sa famille d’accueil, et bénéficie tout autant du principe de respect.

La contradiction est telle que la Cour ne peut en déduire aucune issue cohérente, et précise que sa décision « ne saurait être compris(e) comme obligeant l’État italien à remettre l’enfant aux requérants, ce dernier ayant certainement développé des liens affectifs avec la famille d’accueil chez laquelle il vit depuis 2013 ». L’enfant demeure donc avec sa famille d’accueil.

Or, de deux choses une :

  • Soit l’enfant a été séparé à tort de ses acheteurs/parents, et il doit pouvoir les retrouver.
  • Soit il a été séparé d’eux à raison, et il ne saurait leur être rendu, qu’il ait noué de nouveaux liens affectifs ou non !

Le sort de l’enfant dépend finalement de savoir avec qui il aura passé le plus de temps….. et peu importe que les ceux-là l’aient acheté ou, la prochaine fois, volé….

De façon inespérée, les contradictions accumulées finissent en l’espèce par rendre service à l’enfant puisque, en définitive, il ne sera pas restitué à ses acheteurs mais adopté en bonne et due forme et dans le respect de sa personne et de sa dignité d’être humain.
Mais le problème de fond demeure dans la décision de la Cour, qui façonne les principes suivants :

l’achat d’un enfant ne donne pas de droit sur lui mais il suffit de développer une vie familiale avec lui (dont le critère de temps n’est pas défini) pour obtenir la reconnaissance des liens effectifs comme caractérisant une vie familiale de fait.

Avec un tel raisonnement, le voleur ou le trafiquant d’enfant qui aura vécu une vie familiale avec lui peut sereinement conserver la garde de l’enfant au nom du respect de la vie privée et familiale.
Les Juristes pour l’enfance sont très inquiets pour l’avenir de l’intérêt de l’enfant. On craignait que la Cour européenne soit devenue un obstacle au respect des droits de l’enfant. C’est, hélas, confirmé.

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